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Côte-d'Ivoire : Les mensonges du gouvernement français
À en croire le Premier ministre Raffarin, la présence de l'armée française en Côte-d'Ivoire aurait pour principal objectif de défendre "l'État de droit" de ce pays. Et le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, de renchérir en affirmant que "les forces françaises ont en particulier pour mission de sécuriser nos ressortissants". Il ajoute: "En aucune façon, la France n'est là pour déstabiliser la Côte-d'Ivoire et ses institutions et prendre parti. Elle a avant tout le souci de préserver la légalité constitutionnelle. Il n'y a pas d'intention cachée." Selon le gouvernement, la France, cette ancienne puissance coloniale, ne serait animée que de "bonnes intentions" en Côte-d'Ivoire et le renforcement de sa présence militaire aurait pour seul but d'éviter que ce pays d'Afrique de l'Ouest ne sombre dans le chaos et la guerre civile! Mais c'est tout simplement un mensonge.
"Défendre l'état de droit" ?
L'un des mensonges les plus grossiers que le gouvernement répand depuis plusieurs jours est la "défense de l'état de droit" ivoirien par la France. Il est repris par l'ensemble des journaux télévisés et la presse écrite sans aucune retenue. Mais quel "état de droit", quelle "légalité constitutionnelle" faudrait-il défendre? Depuis la colonisation, l'armée française n'a jamais quitté cette région de l'Afrique de l'Ouest. Depuis "l'indépendance", le gouvernement français a soutenu successivement tous les régimes, même les plus infâmes, à commencer par celui du dictateur Houphouët-Boigny qui a régné sans partage de 1960 à 1993. Celui-ci s'était même payé le luxe de n'avoir pas d'armée... puisque l'armée française était là! Puis à la mort de ce dernier, l'impérialisme français a appuyé le régime corrompu de Konan Bédié, avant de soutenir celui, éphémère, du putchiste Robert Gueï. Comme il soutient aujourd'hui celui de Laurent Gbagbo, parvenu au pouvoir par des élections truquées. Que le régime de ce dernier ait été inauguré par le massacre de Yopougon à Abidjan, que son parti le Front Populaire Ivoirien (FPI) ait enfourché le cheval de la pire xénophobie et que ses milices, les "Jeunes patriotes", assassinent impunément les travailleurs immigrés burkinabés, ne gêne pas le moins du monde l'impérialisme français. Celui-ci continue invariablement à faire le choix de soutenir militairement l'homme fort du moment.
La France ne serait pas là "pour prendre parti" entend-on encore. Il s'agit là encore d'un mensonge derrière lequel le gouvernement cherche à masquer sa politique impérialiste en Côte-d'Ivoire. Menacé par les forces rebelles qui marchaient sur Abidjan, le régime de Gbagbo a été sauvé de la débâcle par l'opération Licorne qui compte aujourd'hui 5200 hommes, appuyés par les quelque 6000 casques bleus de l'Onuci. Appelées aussi "forces impartiales", les troupes françaises portent bien mal leur nom puisque, chargées de "sécuriser la ligne de cessez-le-feu", elles ont surtout pris position dans des endroits stratégiques (plantations, couloirs économiques, ports) pour défendre en priorité les intérêts des grandes sociétés françaises.
En intervenant militairement, la France a objectivement pris le parti de Laurent Gbagbo contre celui des rebelles. L'homme fort d'Abidjan lui apparaissait à l'époque comme le moins mauvais choix pour préserver les intérêts de ses multinationales. Et même si elle n'a pu empêcher la partition de la Côte-d'Ivoire en deux, elle a permis au dictateur ivoirien de stabiliser son pouvoir et de préserver sa domination sur la partie la plus riche du pays. Et il y a fort à parier que, durant les événements de ces derniers jours qui ont secoué la Côte-d'Ivoire, si l'armée gouvernementale ivoirienne avait pu reconquérir sans coup férir le nord du pays aux mains des rebelles, le gouvernement français aurait protesté pour la forme et apporté en définitive son appui au dictateur en place.
"Sécuriser les ressortissants français"
L'éternel mensonge que les dirigeants de l'impérialisme français ressortent pour justifier leurs basses besognes en Afrique est de devoir assurer la survie des ressortissants français. Mais la crise en Côte-d'Ivoire dure depuis la mort d'Houphouët-Boigny. L'an dernier, suite à des émeutes antifrançaises du même genre, il était déjà question de faire évacuer les expatriés. Cependant, 14000 d'entre eux vivent encore en Côte-d'Ivoire, dont près de la moitié à Abidjan.
Il y a bien sûr les petits et moyens patrons, véritables colons, qui espèrent récupérer leurs biens dans les zones occupées par les forces rebelles. Ceux-là considèrent la Côte-d'Ivoire comme un Eldorado où il est facile de s'enrichir. Malgré la guerre civile, d'autres réalisent des profits juteux. Mais outre les bi-nationaux, une très grande partie de ces expatriés sont des cadres travaillant pour les grands trusts français. Ces trusts, à l'instar de Bouygues dans le bâtiment et les travaux publics, l'électricité et l'eau, de France Télécom dans la téléphonie, ou encore de Bolloré dans les transports, le coton et le caoutchouc, le café et le cacao, pillent l'économie ivoirienne depuis des décennies. On compte aujourd'hui dans ce pays près de 240 filiales de grandes entreprises françaises et 600 sociétés dont certaines appartiennent depuis plusieurs générations à des capitalistes français.
Au regard des masses travailleuses ivoiriennes qui survivent dans la plus grande pauvreté, entassées dans les bidonvilles de la capitale, ces expatriés, dont certains les exploitent directement, apparaissent comme des nantis et des privilégiés. Et chaque intervention de l'armée française, loin d'apaiser la situation, ne fait que l'aggraver, alimentant ainsi les frustrations et les sentiments antifrançais et anticoloniaux d'une partie de la population ivoirienne qui sont bien réels. Et ces ressortissants qu'il s'agit, nous dit-on, de protéger risquent d'être les premières victimes de la politique de l'impérialisme français en Côte-d'Ivoire.
Troupes françaises hors de Côte-d'Ivoire !
Il faut toute l'hypocrisie et la morgue des Chirac-Raffarin, représentants de l'ancienne puissance coloniale, pour justifier ainsi la présence de l'armée française en Côte-d'Ivoire. Leurs propos ont au moins le mérite de souligner le rôle que l'impérialisme français s'octroie dans ce qu'il considère toujours comme son pré carré. En Côte-d'Ivoire il n'a pas d'autre but que de préserver les profits de ses grandes multinationales.
Ici en France, les travailleurs soucieux de se montrer solidaires des intérêts des différentes populations ivoiriennes, victimes des bandes armées qui s'affrontent pour le pouvoir et le pillage des richesses naturelles, ne peuvent qu'exiger le retrait immédiat des troupes françaises de la Côte-d'Ivoire. Il y en a assez de les voir, par leur présence en Afrique, tenter de prolonger un passé colonial qui n'a que trop duré.