Allemagne, 15 ans après la chute du Mur - À l'Est peu de nouveau : Chômage et bas salaires10/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1893.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne, 15 ans après la chute du Mur - À l'Est peu de nouveau : Chômage et bas salaires

Le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin tombait et moins d'un an après, en octobre 1990, l'Allemagne jusqu'alors divisée en deux -la République fédérale allemande (RFA) liée au camp occidental et la République démocratique allemande (RDA) dans le giron de l'URSS- était réunifiée. La chute de la dictature stalinienne d'Allemagne de l'Est, qui avait "emmuré" sa population, la coupant ainsi matériellement de la population de l'Ouest, fut accompagnée de scènes de liesse. Et le chancelier Kohl, à la tête de l'Allemagne fédérale, promettait aux Allemands de l'Est des "paysages florissants" dans une Allemagne réunifiée.

Pour la bourgeoisie allemande, ce fut en effet "florissant", la quasi-totalité des entreprises d'État de l'ancienne Allemagne de l'Est ayant été digérées par les grosses entreprises de l'Ouest. Cela signifiait des usines dépecées, les seuls secteurs rentables étant conservés et vendus à bas prix, parfois pour un mark symbolique. Certains patrons n'ont repris des entreprises qu'à condition d'être indemnisés. Tout le reste a été fermé mettant au chômage des centaines de milliers de travailleurs.

Encore aujourd'hui 18,3% de la population active, soit deux fois plus que dans le reste du pays, sont au chômage. L'ancienne Allemagne de l'Est qui comptait 9,75 millions d'actifs en 1989 n'en comptait plus que 5,87 en 2000. Dans la seule région de Leipzig, une des grandes villes du pays, il y avait 500000 emplois industriels en 1989, il n'y en a plus que... 12000 aujourd'hui. Contraints de chercher du travail dans l'Ouest du pays, plus d'un million d'habitants ont quitté l'Est, où les salaires sont légalement inférieurs à ceux de l'Ouest, alors que les prix y sont aussi élevés.

Parmi les chômeurs on compte deux fois plus de femmes que d'hommes qui ont été particulièrement touchées par des mesures comme les fermetures de crèches ou de jardins d'enfants. Dans l'ex-Allemagne de l'Est, les usines assuraient souvent le fonctionnement des crèches ou d'autres services sociaux et culturels, ce qui expliquait que 91% des femmes pouvaient se libérer pour travailler, alors qu'à l'Ouest elles n'étaient que 55%. Les crèches, presque gratuites en RDA, sont devenues payantes, chères et leurs capacités d'accueil ont diminué de moitié. Elles sont aussi touchées par les restrictions au droit à l'avortement, qui était libre et gratuit à l'Est, alors qu'en RFA il demeure illégal mais ne fait pas l'objet de poursuites judiciaires s'il est pratiqué dans les douze premières semaines de la grossesse.

La population de RDA paye au prix fort la réunification, la note est aussi salée pour les Allemands de l'Ouest qui ont supporté une partie de la facture -1 250 milliards d'euros depuis quinze ans- en payant un "impôt de solidarité" représentant 7,5% du montant de l'impôt sur le revenu. Les travailleurs de l'Ouest peuvent deviner où est passé cet impôt: pas tant dans les poches des travailleurs de l'Est au chômage ou sous-payés que dans celles des patrons, en subventions pour des "créations d'emplois" inexistantes, mais aussi en équipements tels qu'autoroutes, réseaux téléphoniques, etc. Ainsi, sous prétexte de mettre l'Est du pays aux normes technologiques de l'Ouest et qu'il puisse attirer des investisseurs allemands ou étrangers, du même coup on enrichissait les trusts du BTP et de la téléphonie. Comme le disait une Allemande de l'Est: "L'Allemagne est pourtant un pays riche, on trouve des milliards pour construire des ministères à Berlin -devenu un immense chantier pour le plus grand profit des rois du béton- mais pour les enfants, pour notre avenir, on nous dit que les caisses sont vides".

Dans un sondage publié en septembre 2004, 24% des Allemands étaient favorables au retour de la situation d'avant la chute du Mur. Tel est le bilan d'une réunification sous l'égide de la propriété privée.

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