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Dans les entreprises
Alcatel : Petits pots-de-vin et grosses affaires
La société Alcatel, multinationale française spécialisée dans les télécommunications, est accusée d'avoir versé des pots-de-vin à des hommes politiques costaricains pour l'obtention de marchés dans ce pays d'Amérique centrale. Alcatel, ou ses représentants locaux, aurait payé une dizaine de millions de dollars, répartis entre trois présidents de la République. La direction du groupe, à Paris, affirme ne rien savoir du versement de ces commissions.
On peut en douter. Le versement de pots-de-vin est tellement normal pour les grands groupes capitalistes que, jusqu'à une date récente, les commissions versées pour l'obtention de marchés étaient déductibles des bénéfices soumis à l'impôt. Il existe bien, depuis 1997, une convention par laquelle 35 pays, dont la France, se sont engagés à sanctionner les entreprises corruptrices. Mais elle n'a pas l'air de concerner Alcatel... ni Thalès soupçonné d'avoir versé des millions pour vendre ses frégates à Taïwan, ni Dassault accusé d'avoir acheté un ministre de la Défense en Belgique, ni Total qui faisait des cadeaux princiers à beaucoup de monde, d'après un de ses anciens dirigeants.
De plus, bien souvent, les affaires de corruption avérées et poursuivies ne touchent que la menue monnaie des groupes capitalistes. C'est le cas avec Alcatel au Costa Rica. Le pays ne compte que 3,6 millions d'habitants, l'installation de lignes téléphoniques ne représente "que" quelques centaines de millions de dollars, l'achat d'un président de la République dans ce petit pays reste à un prix abordable. Lorsqu'il s'agit de milliards, comme pour le marché du téléphone en Chine, le PDG d'Alcatel, Serge Tchuruk, utilise des méthodes moins romanesques et un président tout dévoué à Alcatel, Chirac lui-même.
Tchuruk faisait en effet partie des 200 chefs d'entreprise que Chirac a emmenés avec lui en Chine en octobre dernier et qu'il a présentés et recommandés aux "décideurs" chinois. Chaque voyage présidentiel, de Chirac comme de ses prédécesseurs, comporte ainsi sa part de représentation commerciale, de "conquête" de marchés, de signatures de contrats pour les plus grandes sociétés, de bonnes affaires préparées et garanties par l'État et de cadeaux de toute nature aux clients potentiels (prêts, accords politiques, accords commerciaux, soutien politique au régime en place, etc.). Mais cela, ce n'est pas de la corruption, ni même du trafic d'influence, c'est ce qu'on appelle de la politique internationale.