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Dans le monde
Tchad : Les voleurs se disputent la manne pétrolière
Le président dictateur tchadien, Idriss Deby, crie au voleur. Il accuse le consortium américano-malaisien composé d'Exxon, Chevron et Petronas, avec qui il s'était pourtant entendu pour exploiter le pétrole de Doba, au sud du Tchad, "d'arnaque", "d'opacité" et de "fraude". La manne pétrolière de ce pays, nouveau producteur de pétrole, l'un des plus pauvres du monde, aiguise les appétits des multinationales. Mais aussi celui de la clique au pouvoir.
Idriss Deby reproche aux compagnies pétrolières de ne pas respecter les termes du contrat. Selon lui, le prix de vente du pétrole tchadien a été bradé sur le marché international à moins de vingt dollars le baril, alors que le prix de ce dernier atteint aujourd'hui les cinquante dollars. Il dénonce les faibles redevances perçues par l'État tchadien (70millions de dollars), eu égard au chiffre d'affaires de 900 millions de dollars encaissés par le consortium pétrolier depuis juillet 2003. Enfin, autre pierre d'achoppement: Esso, filiale d'Exxon, refuserait de s'acquitter de l'impôt dû à l'État tchadien.
Après avoir aidé les compagnies pétrolières à spolier son propre peuple, à déplacer les populations, à arracher les plantations sans vraiment verser d'indemnisation, à réprimer les oppositions, pour construire un pipe-line, long de près de 1000 kilomètres, entre les champs pétrolifères de Doba, au Tchad, et le port d'expédition de Kribi, au Cameroun, pour acheminer le pétrole, Idriss Deby demande aujourd'hui à ces mêmes compagnies d'être moins gourmandes!
Il ne proteste pas parce que le pillage se fait au détriment de sa propre population, dont les huit millions d'habitants vivent avec moins d'un dollar par jour, mais parce que les royalties ne rentrent pas assez dans les caisses de l'État, qu'il confond avec sa caisse personnelle. Pas un mot pour condamner le fait que les compagnies pétrolières n'ont tenu aucun de leurs engagements en matière de programme de développement sanitaire ou scolaire, de constructions de cliniques, d'hôpitaux ou d'écoles. C'était pourtant l'une des conditions prévues pour que les sociétés américaines soient autorisées à exploiter le pétrole tchadien, avec l'accord du principal bailleur de fonds, la Banque mondiale, qui a financé le projet de construction du pipe-line à hauteur de 90%.
Ces méthodes et ces pratiques sont monnaie courante dans les pays producteurs de pétrole en Afrique, où les compagnies pétrolières, françaises ou américaines, entre autres, se conduisent comme en terrain conquis, pillent littéralement les ressources sans autre forme de procès. Mais pour réaliser leurs profits, elles s'appuient sur des dictatures parmi les plus sanglantes, comme au Congo-Brazzaville, au Soudan ou encore au Tchad, pour faire régner l'ordre. Au passage, elles accordent quelques miettes aux cliques gouvernementales corrompues qui, de temps à autre, finissent par réclamer une part plus importante du butin.
Les voleurs finissent toujours par se voler entre eux.