Le bloc opératoire de l'hôpital de Bicêtre est un ensemble de neuf salles pour les interventions programmées et de trois salles pour les urgences. Aujourd'hui, nous sommes 38 infirmières, dont plusieurs sont à temps partiel, et quatre cadres... pour un effectif théorique de 54 infirmières! Comment en est-on arrivé là?

Au début de 2003, 40 à 50 patients étaient opérés chaque jour dans l'une des douze salles du bloc. Nous étions à l'époque 49 infirmières pour faire le travail, dont plusieurs à temps partiel et deux cadres. Petit à petit, des collègues sont parties du bloc pour des raisons diverses, qui font partie de la vie de n'importe quel service d'hospitalisation: des départs en retraite, des départs en formation dans des écoles spécialisées, des absences pour longue maladie... Des départs prévus et planifiés, pour la plupart. Mais ces départs ne sont pratiquement jamais remplacés.

Le programme opératoire est resté dans un premier temps identique et, si l'on ajoute à ces départs ou absences longues les arrêts maladie occasionnels, autant dire que c'était plutôt du bricolage et de la haute voltige! La mise en place des 35 heures, nous ne l'avons dans la pratique pas vue... ou plutôt sous la forme de l'augmentation du nombre d'heures que nous avions à prendre.

La fin de l'année 2003 a donc été catastrophique, et la seule mesure qu'envisageait la direction était le changement de nos horaires, en particulier l'introduction du travail en journée de douze heures. Nous avons refusé ce changement d'horaire qui se faisait au détriment de nos conditions de travail et ne réglait pas, de toute façon, l'absence de recrutement. La direction a donc remballé son projet et de fait, depuis le début de l'année 2004, elle organise la réduction de l'activité du bloc pour l'adapter aux effectifs. À Pâques par exemple, le bloc a carrément fermé pendant une semaine, pour "écluser" une partie des repos qu'il nous restait à prendre. Et au quotidien ce sont une ou deux salles qui sont fermées, sur neuf pour les interventions programmées.

De 40 à 45 patients pris en charge, on tourne aujourd'hui à 30-35, par jour. Et la conséquence pour les patients, ce sont des délais qui s'allongent pour les interventions.

La direction se cache derrière la pénurie de personnels infirmiers, en particulier de personnels infirmiers spécialisés. Même si les difficultés de recrutement sont bien réelles -conséquence des fermetures d'écoles dans les années 1996-1997 décidées par les gouvernements- dans la pratique, les directeurs ne s'affolent pas trop pour nous trouver du monde: pour exemple, la direction ne trouve rien de mieux que de nous inciter à démarcher nos relations, ou de nous proposer de tenir des stands dans les salons infirmiers.

Et voilà comment la politique des pouvoirs publics, mélange d'incompétence et de calculs budgétaires à courte vue, empêche le service public de santé de fonctionner correctement.