Affaire ELF : "Des moyens qui heurtent la morale"21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire ELF : "Des moyens qui heurtent la morale"

Alfred Sirven, un des tristes héros du scandale Elf, repasse en justice. Mais pas question pour lui de "cracher le morceau", dit-il! Il ne veut surtout pas "nuire à son ancienne compagnie, créée par le général de Gaulle", déclare-t-il noblement.

Sirven reconnaît avoir détourné une partie des 300 millions d'euros qui se sont volatilisés lorsqu'il était directeur des affaires générales du groupe Elf. Il reconnaît aussi avoir "utilisé des moyens qui heurtent la morale". Il ajoute, comme excuse ou comme explication, qu'il "y avait tout ce spectacle de sommes énormes qui partaient pour les présidents, les ministres, les parents, les maîtresses, et certainement pas pour le bien du peuple". Et de préciser: "Je dois vous dire que j'ai versé des dizaines de millions en liquide pour le Congo, pour l'Angola." Toute cette corruption dont il était le grand ordonnateur a, bien sûr, "affaibli ses capacités morales". Voilà ce qui a fait tourner la tête à ce brave homme qui s'est servi dans la caisse pour mener grand train, s'offrant ainsi manoir, villa à Ibiza, diamants et autres meubles anciens à prix d'or et une retraite princière aux Philippines, avant de se faire arrêter. Mais, au fond, qu'a-t-il fait de plus que tant d'autres?

Au coeur d'un système mafieux de corruption généralisée d'hommes politiques et de chefs d'État, Alfred Sirven a seulement pris sa part du gâteau, comme Loïk Le Floch-Prigent et André Tarallo, respectivement PDG et "Monsieur Afrique" d'Elf. Quoi de mal à cela, laisse entendre Sirven, puisque tout le monde puisait dans "la caisse noire" de la compagnie pétrolière. C'est d'ailleurs le rôle d'une caisse noire: permettre à des corrupteurs de fabriquer des corrompus. Et quoi de plus normal si ceux-ci deviennent corrompus à leur tour!

Cette caisse noire était alimentée par les milliards de francs détournés de la vente du pétrole. Quand le groupe Elf, par exemple, chargeait deux pétroliers au Congo-Brazzaville, il en payait un seul à l'État congolais; la cargaison de l'autre, également vendue sur le marché international, alimentait les fonds secrets destinés à la corruption. Pas de quoi fouetter un chat. Sirven n'était qu'un agent, bien placé, du marché international. Mais pendant, comme après son jugement, ce commerce -ou plutôt ce trafic- continue.

Partager