Rapport Thélot : Nouvelle offensive contre l'École13/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1889.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Rapport Thélot : Nouvelle offensive contre l'École

La commission Thélot, chargée de "réfléchir" à l'avenir de l'École et de décliner des propositions, a officiellement remis son rapport à Raffarin. Il devrait servir à préparer la future loi d'orientation sur l'École qui sera discutée au Parlement début 2005. Cette commission prétend s'être inspirée des 15000 débats organisés entre novembre 2003 et janvier 2004 lorsque Luc Ferry avait appelé au "grand débat sur l'École".

Nombre d'enseignants avaient alors boycotté cette mascarade car on savait à l'avance qu'elle servirait d'alibi à une nouvelle "réforme", c'est-à-dire à une nouvelle régression du service public de l'éducation.

Le rapport Thélot présente un véritable arsenal d'attaques contre le système scolaire, ayant pour objectif la suppression de milliers de postes (déjà largement engagée), le démantèlement de l'École par un renforcement du désengagement de l'État, tout cela pour aboutir à des inégalités sociales encore plus fortes.

Un aspect a été particulièrement commenté: l'intention d'augmenter les horaires de travail des enseignants. En effet, le rapport propose une augmentation de la durée des services des professeurs des collèges et lycées, de quatre à huit heures. Il prétend intégrer dans leurs horaires, d'autres heures de présence comme les heures de conseils de classe, de rencontre avec les parents, de soutien ou de suivi des élèves. La commission se garde bien de prendre en compte le temps de travail réel d'un enseignant qui selon les calculs officiels du ministère s'élève aujourd'hui à 39 heures par semaine (englobant le temps devant les élèves, les préparations de cours, les corrections, la mise à niveau permanente de leurs connaissances). Comme la commission se doute que la mesure risque de mal passer, elle propose de la limiter aux nouveaux enseignants titulaires ou aux volontaires parmi les anciens! Bref, quand les plus âgés auront quitté la barque (on attend le départ en retraite de la moitié des enseignants actuels entre 2000 et 2012 ) les jeunes seront assujettis à un temps de présence plus long.

Mais si les conditions de travail des enseignants sont mises en cause, ce sont surtout les élèves, plus particulièrement ceux des milieux populaires, qui seront les perdants. Aussi la commission insiste sur la nécessité d'établir un "socle commun" indispensable à la vie sociale, les "fondamentaux" comme elle dit: le français, les mathématiques, l'anglais de "communication internationale", l'informatique et "l'éducation à vivre ensemble" (sic!). Cela peut paraître très large. C'est en réalité une vision réductrice de la culture qui marginalise d'autres enseignements comme l'histoire et la géographie, l'éducation physique, les sciences physiques ou les sciences de la vie et de la Terre, sans parler des enseignements artistiques. L'objectif affiché n'est plus d'amener, via le collège unique, 80% d'une classe d'âge au bac mais d'appliquer le plus tôt possible le tri entre ceux qui pourront continuer au lycée des études générales et ceux qui dès la cinquième auront déjà la voie tracée vers la filière professionnelle sous la forme de l'alternance avec l'entreprise.

D'ailleurs, cette voie vers l'apprentissage est déjà programmée pour la rentrée 2005 avec des "nouvelles troisièmes à parcours diversifiés". Mais Thélot propose de commencer encore plus tôt cette différenciation avec, dès la cinquième, ce qu'il appelle pudiquement "la diversification des contenus". Le couperet est d'ailleurs radical puisque les élèves de troisième ayant échoué au "certificat de maîtrise du socle" (qui remplacerait le brevet à l'issue de la troisième) seraient interdits d'études en lycée général, ce qui n'est pas le cas actuellement.

En fait ce que projette Thélot, c'est d'accentuer l'exclusion sociale en livrant au marché du travail (à condition qu'il y en ait) "la part considérable dans l'avenir des emplois peu qualifiés ou requérant une qualification d'ordre comportemental ou relationnel". Bref, on se contentera d'apprendre à lire, écrire, compter à la masse des jeunes jugée inapte à l'abstraction, jeunes à qui on imposera précocement "la découverte des métiers". Et encore... puisque même pour cela, il faudrait mettre plus de moyens que ceux qui existent aujourd'hui. On verrouille plus que jamais l'accès au lycée général aux milieux populaires sous le prétexte hypocrite de favoriser les parcours "personnalisés".

On pourrait aussi évoquer les menaces qui pèsent sur les petites et moyennes sections de maternelle, la réduction des options proposées, l'autonomie renforcée des établissements qui pourront bénéficier jusqu'à 8 à 10% des crédits par contrats déterminés en fonction des projets d'établissements, l'officialisation de la contractualisation des employés de l'établissement et donc de la précarité.

Sous prétexte d'instaurer une "école de la réussite pour tous", ce rapport prépare l'aggravation des inégalités sociales.

Partager