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Dans le monde
Russie : Poutine ou l'art d'utiliser le "terrorisme"
Le 13 septembre, Poutine a réuni son gouvernement, les gouverneurs et présidents des "sujets" (régions) de la Fédération de Russie, ses sept super-préfets, des représentants du Parquet, en tout un demi-millier de personnes composant le gratin de la haute administration russe, pour leur annoncer une réforme des institutions présentée comme "radicale".
Radicale, elle l'est en effet. D'une part, elle consiste en ce que les chefs des 89 régions et républiques du pays ne seront plus élus par la population locale. Quels qu'aient pu être les tripatouillages auxquels donnaient lieu ces élections, dites "démocratiques" par les dirigeants occidentaux qui soutiennent Poutine, même cela n'était pas encore assez contrôlé au goût du chef du Kremlin. Désormais, les chefs des régions seront élus par les parlements locaux... "sur proposition du chef de l'État". Bref, Poutine les choisira.
D'autre part, au niveau national, il ne pourra plus y avoir de députés élus à la Douma au scrutin individuel. Dans le système actuel, la moitié le sont à la proportionnelle de liste, l'autre moitié en se présentant comme candidats indépendants. Que, dans leur immense majorité, ces derniers soient liés à tel ou tel parti, à commencer par Russie Unie qui soutient Poutine, n'y change rien. Que, dans une Douma qui ne fait même plus semblant de contester Poutine, puissent se glisser ne serait-ce qu'un ou deux élus ressemblant même de loin à des "électrons libres", c'en était trop. Poutine ne veut voir qu'une tête, la sienne.
Dans le même temps, il a placé sous tutelle toute la région du Nord-Caucase, qui englobe la Tchétchénie et des républiques voisines, dont l'Ingouchie (où vient d'avoir lieu un massacre, lors de la prise d'otages dans une école de Beslan), avec à sa tête un homme de son clan, le chef de l'administration présidentielle, doté des pleins pouvoirs en matière policière et militaire.
Tout cela, Poutine l'a justifié, une nouvelle fois, par ce qu'il appelle "la lutte contre le terrorisme international", en se référant aux événements de Beslan, à la corruption des autorités, y compris policières, qui aurait facilité la tâche des preneurs d'otages, mais sans évoquer une seule fois la guerre de Tchétchénie. Officiellement, il est vrai, celle-ci n'existe pas. Appelée, à ses débuts, "opération de rétablissement de l'ordre constitutionnel", elle est devenue, après les attentats du 11 septembre 2001... aux États-Unis et en écho à la thématique développée par Bush, une partie de la "lutte contre le terrorisme international".
Poutine ne massacre pas en Tchétchénie, il lutte "contre le terrorisme". Il n'emprisonne pas les journalistes qui lui déplaisent, il prive le "terrorisme" de tribunes médiatiques. C'est sous ce prétexte qu'il y a quelques mois, il avait interdit des manifestations et menacé d'envoyer la troupe contre les grévistes, notamment dans les transports, les mines et le secteur énergétique. Tout naturellement, en Russie du Nord ou en Sibérie, à des milliers de kilomètres du Caucase-Nord décrit par lui comme une "plate-forme du terrorisme international", c'est encore au nom de cette lutte... qu'il muselle le semblant de liberté électorale qui pouvait subsister.
Mais après tout, pourquoi se priverait-il de recourir au même prétexte grossier qu'utilisent, eux aussi sans vergogne, les Bush et Blair en Irak, ou Sharon contre les Palestiniens?