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Dans le monde
Irak : Guerre contre la population
Selon le journal Le Monde du 7 septembre, "le Premier ministre irakien Iyad Allaoui" aurait "ordonné (...) un violent assaut sur Latifiya, bastion de la résistance sunnite, à 35km au sud-ouest de Bagdad". Comme si Allaoui, cet homme de paille porté au pouvoir par Bush pour servir de couverture à sa politique en Irak, avait les moyens de donner des ordres - hormis ceux venus de Washington, bien sûr! Ce n'est pas pour rien si Le Monde s'est senti obligé de rectifier le tir en parlant d'"offensive américaine" dans le titre du même article.
Car on assiste bien à une offensive américaine depuis le début septembre, à Latifiya, mais aussi à Tall-Afar, près de la frontière syrienne, à Sadr City, la ville-taudis shiite de Bagdad, à Falluja, et dans d'autres villes de moindre importance.
Chaque fois quelques détachements des forces irakiennes ont bien participé à ces opérations. Mais ils ont été envoyés en première ligne, avec un armement qui n'a rien à voir avec celui des forces américaines. En fait les soldats irakiens n'ont fait que servir de chair à canon à l'état-major américain face à une résistance armée et beaucoup l'ont d'ailleurs payé de leur vie. Mais que vaut la peau d'un soldat irakien pour Bush quand son véritable problème est d'éviter que trop de morts parmi les GI's viennent ternir sa campagne électorale?
En tout cas, pendant ce temps, ce sont bien les F16 et les hélicoptères de l'US Air Force qui ont pilonné les populations sous prétexte de réduire ceux que Washington appelle les "terroristes", c'est-à-dire en fait tous ceux qui s'opposent à l'occupation impérialiste. Tout comme ce sont ces mêmes F16 qui, à Falluja, ont adopté la politique terroriste du "bombardement ciblé" si chère à Sharon dans les territoires palestiniens occupés: ayant dû abandonner la ville face à la résistance de la population, les galonnés du Pentagone se vengent en bombardant des maisons prétendument habitées par des responsables de la résistance armée.
La réalité, c'est que rien n'a changé avec "l'accession de l'Irak à la souveraineté", en juin dernier et la formation du gouvernement Allaoui, appointé par les autorités d'occupation. Moins de deux mois plus tard, le 18 août, la farce de la "souveraineté irakienne" a tourné au grotesque lorsqu'une "conférence nationale" d'un millier de participants, réunie pour élire l'assemblée chargée de superviser le gouvernement Allaoui, qui s'est vu offrir 81 candidats pour 81 postes, tous patronnés par le même Allaoui! De toute évidence, Washington n'a pas voulu prendre le moindre risque, même avec des participants pourtant triés sur le volet. Si Bush a choisi de mettre en place des institutions politiques, il n'est pas question qu'il les autorise à émettre la moindre critique de sa politique, même si elles ne disposent de toute façon d'aucun pouvoir réel, que seules les forces d'occupation détiennent.
À ce jour, pour éviter des bains de sang qui auraient pu être trop coûteux politiquement pour Bush, aussi bien en Irak-même qu'aux États-Unis, l'armée américaine a dû reculer à plusieurs reprises et abandonner des villes entières aux mains des insurgés irakiens: à Falluja d'abord, puis à Ramadi et Kut, et plus récemment à Kufa et Najaf. Et on peut penser que l'offensive américaine de ces derniers jours a pour but d'éviter à Washington d'avoir à abandonner plus de terrain encore.
Cela dit, comme l'ont montré les centaines de morts de Falluja et la destruction quasi totale de Najaf (on ne dispose d'aucune estimation du nombre des victimes, probablement encore plus élevé qu'à Falluja), la population irakienne a déjà payé un prix exorbitant pour ces quelques reculs de l'armée américaine. Et elle continuera à payer un prix très élevé simplement pour permettre à Washington de maintenir le statu quo actuel - sans parler d'une probable offensive militaire tous azimuts une fois passée l'échéance de l'élection présidentielle américaine de novembre, et cela quel qu'en soit le résultat.
Alors quels que soient les euphémismes des médias occidentaux, l'Irak reste bel et bien un pays occupé par l'impérialisme et, qui plus est, un pays où celui-ci mène une sanglante guerre terroriste contre la population.