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Irak : Les factions chiites avancent leurs pions
L'intervention de l'ayatollah chiite Ali Al-Sistani a mis un terme provisoire à la partie de bras-de-fer qui se jouait, depuis le 5 août, entre les miliciens de l'iman radical Moqtada Al-Sadr retranchés dans un sanctuaire chiite, le mausolée d'Ali, à Nadjaf, et les troupes du gouvernement irakien, épaulées par les tanks et l'aviation de l'armée américaine. Chacun des deux camps a pu sembler sauver la face. Mais l'actuel gouvernement irakien en sort moins grandi que les dirigeants chiites.
Depuis le 28 juin dernier, l'Irak est gouverné par Iyad Alloui, le Premier ministre à qui les États-Unis ont remis le pouvoir et qui doit conduire le pays en attendant que des élections, annoncées pour janvier 2005, aient lieu.
À peine nommé, Alloui s'est donné, par décret, des pouvoirs spéciaux et a rétabli la peine de mort pour affronter le legs des États-Unis: une guerre civile larvée qui oppose différents groupes de guérillas nationalistes, allant des anciens partisans de Saddam Hussein aux islamistes radicaux, à ce gouvernement et à l'armée américaine, qui détient toujours la réalité du pouvoir avec son contingent de 140000 GIs, tandis que les grandes entreprises américaines contrôlent l'économie irakienne.
Avec bien du mal, les différentes factions irakiennes qui ont accepté de jouer le jeu proposé par les États-Unis ont mis sur pied un "Parlement provisoire" d'une centaine de députés, où les "grands partis", baptisés "Unité nationale irakienne", pourront approuver le budget 2005 et dire leur mot sur les prochaines élections.
Le nouveau gouvernement irakien, qui a appelé les anciens fonctionnaires de Saddam Hussein à le rejoindre, fait le pari qu'il pourra gagner en légitimité et qu'il tiendra face aux mouvements qui le contestent. Les États-Unis, eux, ont fait le pari qu'en mettant des soldats irakiens en première ligne, il y aura moins de soldats américains de tués. Ce qui est bon à prendre en cette période pré-électorale... américaine.
Mais les pleins pouvoirs n'ont pas donné plus de crédit au nouveau gouvernement, qui a dû affronter tout l'été une nouvelle vague d'affrontements armés, d'attentats et de prises d'otages.
Dans la crise de Nadjaf, le gouvernement irakien a cependant dû faire appel à la médiation d'un autre religieux chiite pour désamorcer l'opposition d'un chiite radical. C'est un signe de plus que, dans le chaos créé par l'intervention américaine, le clergé chiite, qui domine déjà l'Iran, pourrait finir par tirer plus de gain politique que le gouvernement irakien. Mais si demain telle ou telle faction chiite prenait le pas sur le gouvernement irakien, la population irakienne, elle, continuerait d'en faire les frais, comme elle n'a cessé de le faire avec les années d'embargo, les guerres et, maintenant, l'occupation américaine.