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Leur société
Incendie du centre social juif parisien : À force de crier au loup...
L'incendie criminel d'un centre social juif parisien, le 21 août dernier, serait finalement l' oeuvre d'un familier du centre, lui-même de confession juive, et ne serait donc pas, comme le laissait présumer les graffitis et les croix gammées, un acte antisémite. Pas plus que ne l'était l'agression de la jeune femme qui, en juillet dernier, avait affirmé avoir été molestée dans le RER parisien par un groupe de jeunes voyous, sous prétexte qu'elle aurait été juive. Pas plus que ne l'était non plus, un mois plus tôt à Épinay en banlieue parisienne, l'agression à coups de couteau d'un adolescent juif par un inconnu dont on apprenait peu de jours après qu'il avait agressé de la même manière cinq autres personnes de toutes origines.
À chaque fois, il n'a fallu que quelques jours pour démonter les scénarios dont les auteurs étaient des malades. L'agresseur d'Épinay faisait l'objet d'un suivi psychiatrique. La jeune femme du RER était une mythomane qui n'en était pas à sa première affabulation. Quant à l'auteur présumé de l'incendie du centre social juif, on nous dit que ce serait une personne fragile psychologiquement qui se serait inspirée d'une série télévisée tournée à l'intérieur même du centre.
Et pourtant, au lendemain de chacun de ces événements on a vu tous les représentants du monde politique s'indigner sans attendre et crier leur condamnation d'un tel forfait. À juste titre, s'il s'était agi de crimes antisémites, sauf que ce n'en étaient pas. À chaque fois, avec la même précipitation, les journaux, les télévisions, les radios ont participé, quand ils ne l'ont pas créé, à l'emballement de l'émotion et de la colère. Tous se sont accordés pour dénoncer un climat qui, en France, serait marqué par un regain de l'antisémitisme.
En France, l'antisémitisme n'est pas nouveau. De l'affaire Dreyfus au régime de Pétain qui prêta main-forte aux autorités nazies pour rafler les Juifs et les envoyer dans les camp d'extermination, ce fut une tradition de la droite et de l'extrême droite. Et même si, depuis la fin de la guerre, l'antisémitisme est plus difficilement avouable, il reste probablement un préjugé répandu. Et puis, avec la politique que mène Sharon en Israël et la situation faite, là-bas, aux Palestiniens, les injures voire les agressions de jeunes Arabes envers des Juifs ont probablement augmenté car les ressentiments des uns envers les autres, ici, ne sont pas indépendants de la situation au Proche-Orient.
Si on en croit les chiffres du ministère de la Justice, les actes antisémites seraient en très forte augmentation. Ils seraient passés de 108 pour toute l'année 2003 à 298 pour la période comprise entre le 1er janvier et le 20 août 2004. Dans ces chiffres, combien correspondent véritablement à des actes antisémites et combien sont de "fausses" affaires? On ne peut le dire. Une chose est certaine, c'est que dans le climat actuel, à force d'entendre crier au loup et à l'antisémitisme, certains déséquilibrés s'en servent pour commettre des actes désespérés, tout comme d'autres s'emparent des scénarios de films ou de séries télévisées pour commettre leurs crimes. Et la création d'un tel climat où la peur, la colère et les tensions entre les populations d'origines juive et maghrébine sont exacerbées est une folie criminelle. En d'autres lieux et d'autres temps elles auraient pu, et pourraient encore demain, déclencher de véritables massacres.