L'anniversaire du débarquement en Provence : Une mise en scène indécente20/08/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/08/une1881.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

L'anniversaire du débarquement en Provence : Une mise en scène indécente

À l'occasion des cérémonies de commémoration du débarquement en Provence, durant le week-end du 15 août, on a évoqué les vétérans venus à l'époque des colonies françaises, et qui ont participé à cette opération. Certains ont été décorés, et Chirac leur a rendu hommage. Mais ce geste est tout symbolique et bien tardif, quand on sait avec quel mépris les gouvernements français successifs ont traité ces combattants coloniaux.

Le 15 août 1944, quand 450000 soldats ont débarqué dans le sud de la France, occupée par l'armée allemande, il s'agissait pour l'état-major allié d'ouvrir un second front, après le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie. Les troupes prenant part à cette opération étaient pour moitié anglo-américaines et pour moitié françaises. Mais près de 100000 soldats débarquant en Provence étaient en fait des Maghrébins ou des Africains.

Ces " volontaires " avaient bien souvent été recrutés de force dans les colonies pour constituer l'armée d'Afrique -un corps d'armée qui comptait 500000 soldats coloniaux encadrés par des officiers exclusivement européens. Ils allaient prendre part au débarquement en Provence, puis aux batailles qui suivirent jusqu'en 1945 et parfois même à la guerre d'Indochine. Les troupes coloniales subirent d'ailleurs des pertes massives, car elles combattaient souvent en première ligne. Pendant ce temps, la population d'Afrique du Nord, qui revendiquait son indépendance, subissait une répression massive et meurtrière, comme par exemple à Sétif en Algérie dès le 8 mai 1945.

Si l'État français a donc su utiliser les troupes coloniales comme chair à canon durant la Deuxième Guerre mondiale, il ne les a pas pour autant traitées avec moins de mépris au lendemain de la guerre. Les vétérans des colonies n'ont même pas touché une pension égale à celle des vétérans de la métropole. Les retraites militaires et les pensions d'invalidité des troupes coloniales ont été gelées, au moment de l'indépendance de leurs différents pays d'origine. Autour de l'année 2000, un vétéran français touchait donc quatre fois plus qu'un vétéran guinéen et sept fois plus qu'un vétéran tunisien ! Un des vétérans invités à la commémoration, originaire du Burkina-Faso et ayant quinze ans de service, ne perçoit aujourd'hui que l'équivalent de 75 euros par trimestre !

Les pensions des vétérans coloniaux ont certes été revues à la hausse en 2003. Encore cette mesure n'a-t-elle été prise qu'à la suite d'une plainte d'un vétéran sénégalais, et ne prévoit qu'une revalorisation de 20% appliquée sur les quatre dernières années. Le prétexte est de tenir compte du niveau de vie dans les pays concernés ! À ceux qui s'en offusqueraient, le ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, a répondu que ce seraient des " démagogues ".

Les commémorations du soixantième anniversaire du débarquement en Provence auront donc surtout permis à Chirac, à Raffarin ou à d'autres membres du gouvernement de parader sur le porte-avions Charles-de-Gaulle. Des vétérans ont été décorés pour la galerie, ils n'ont rien obtenu d'autre qu'un hommage de façade. Un Béninois décoré de la Légion d'honneur résumait bien cette situation en déclarant : " C'est très élogieux pour moi d'avoir été décoré. On se rappelle de nous, mais pas pécuniairement. "

Mais la politique des gouvernements français envers les vétérans des colonies n'a pas changé sur le fond. À l'image du mépris dans lequel ils tenaient et tiennent toujours les peuples des pays que l'impérialisme français a colonisés.

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