Ouverture du marché pour les clients «professionnels» : Belle pagaille chez EDF15/07/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1876.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Ouverture du marché pour les clients «professionnels» : Belle pagaille chez EDF

L'ouverture du marché, depuis le premier juillet, pour les clients professionnels (artisans, commerçants, collectivités locales, professions libérales, etc. soit environ trois millions de clients) a entraîné une pagaille indescriptible.

À vrai dire, le mauvais fonctionnement avait commencé bien avant cette date, car EDF, à la demande des pouvoirs publics, s'y était «préparée» si on ose dire.

La nouvelle règle du jeu est la suivante: au nom de la liberté de choix des clients entre EDF et ses concurrents, et pour ne pas avantager de manière déloyale EDF, les services commerciaux ont été séparés des services techniques. Auparavant, quand un client professionnel s'adressait à EDF, il n'avait affaire qu'à un seul interlocuteur, car les agents commerciaux s'arrangeaient directement avec les agents techniques pour régler les problèmes en interne. Aujourd'hui, rien ne va plus: en cas d'ouverture ou de réouverture d'un commerce, par exemple, le rétablissement du courant ressort du technique, mais le nouveau contrat du commercial. Et les deux ont pour directive explicite de s'ignorer, sous prétexte de ne pas fausser la concurrence.

Le patron de la branche commerce avait déclaré: «Nous sommes prêts pour le 1er juillet» et encore «Nous pouvons aborder sereinement le 1erjuillet».

Les résultats ont dépassé les prévisions les plus farfelues. Dès le lundi 28 juin, selon les chiffres de l'EDF, sur le plan national seulement 20% des clients arrivaient à joindre EDF et 80% n'y parvenaient pas.

Lorsqu'un commerçant ou un membre d'une profession libérale s'installe et désire un nouveau contrat, on lui demande d'abord de fournir les références du contrat précédent, ce dont il est généralement bien incapable. Les services commerciaux font alors un formulaire de demande de renseignements (appelé navette) adressé aux services techniques, ou inversement. Il y a des navettes qui se baladent un peu partout. Souvent les agents ne savent pas quoi en faire. Les navettes s'accumulent, disparaissent, réapparaissent...

Les agents techniques qui vont chez un client sont munis d'un «bulletin d'intervention», sur lequel figure certains renseignements jugés confidentiels que le client n'a pas à connaître (sous prétexte de ne pas avantager l'entreprise EDF) et il est donc interdit aux agents techniques EDF de les montrer sous peine de 15000 euros d'amende, plus des sanctions disciplinaires! Auparavant, un agent pouvait conseiller à un client de choisir un tarif plus avantageux. Désormais, c'est interdit sous peine de sanction, car c'est l'affaire du secteur commercial, pas du technique!

Dans la pagaille générale, certaines procédures ont complètement disparu: les agents ne savent plus que faire, les chefs non plus. Lorsqu'un logement avec contrat professionnel (cabinet médical par exemple) redevient un simple logement avec tarif non professionnel, eh bien on a découvert que ce cas n'était tout simplement pas prévu. Il s'agit d'un exemple parmi d'autres...

Devant la colère des clients professionnels lorsqu'ils sont confrontés à ce genre de problème, EDF a bien dû prendre des mesures d'urgence. Certains services commerciaux multiplient les heures supplémentaires, ont embauché des intérimaires et fait venir des agents d'autres services pour répondre au téléphone. Ainsi le taux d'accessibilité d'EDF a remonté. Mais les agents venus en renfort ont pour consigne de répondre au téléphone: «Nous avons pris note de votre problème, on vous rappellera», ce qui n'est souvent pas fait dans les délais. Du coup, les clients encore plus furieux s'en prennent grossièrement aux malheureux opérateurs. Quant à venir s'expliquer directement, c'est devenu impossible car il n'y a plus de centres d'accueil pour les professionnels, et la seule façon pour eux de joindre EDF est... de téléphoner. Avec les difficultés dont on a parlé précédemment.

Il faut ajouter à cela que les chefs des services se font la guerre: ils se renvoient la balle, les responsabilités et... les navettes. Et personne ne veut créer de nouveaux postes, afin de ne pas augmenter la masse salariale qui doit être la plus petite possible. Du coup, certains agents parfaitement formés restent dans leur bureau en se demandant quoi faire, alors que d'autres, pas formés, suent sang et eau.

On en est là, et pour le moment cela ne s'arrange pas. L'immense majorité des clients, les simples particuliers, ne sont pas concernés et ne soupçonnent pas l'invraisemblable pagaille qui règne à EDF. Mais plus de la moitié des employés d'EDF sont, de près ou de loin, concernés par cette situation surréaliste.

La libéralisation du marché (en attendant l'ouverture du capital prévue dans un an), cela donne déjà des résultats fracassants. Et cela ne fait que commencer...

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