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- Lutte ouvrière n°1875
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Labinal-Snecma Villemur (banlieue toulousaine) : Esclavage moderne
Depuis le 14 juin, le patron de Labinal (sous-traitance pour le câblage aéronautique, 650 salariés) emploie dans son usine de Villemur, 17travailleurs du Mexique venant pour trois mois de Chihuahua.
La direction a maquillé ce véritable trafic de main-d'oeuvre en affirmant qu'il s'agissait de «formation». Le lendemain même de leur arrivée, ces travailleurs ont été mis en équipe (2x8) avec travail du samedi. En réalité, leur formation avait été assurée au Mexique avant leur arrivée ici où ils ont été mis directement sur les planches de câblage. L'objectif du patron est d'utiliser pour les mois d'été des travailleurs intérimaires qui ne lui coûtent pas cher. Leur salaire est le même que celui qu'ils ont au Mexique, c'est-à-dire près de 150 euros par mois, soit au moins six fois inférieur à celui des travailleurs d'ici, en faisant pourtant le même travail.
Lorsque des délégués syndicaux ont interpellé le patron sur le bas niveau de leur rémunération, celui-ci a répondu qu'il ne voyait aucune injustice dans cette affaire, que si les travailleurs du Mexique touchaient leur salaire habituel tout en travaillant ici, il en allait de même pour les travailleurs français envoyés au Mexique, qui continuaient eux aussi à toucher leur salaire habituel. Dans cette égalité selon Saint-Profit, il y a quelques différences, et de taille, à la fois sur le salaire des uns et des autres mais aussi sur les primes et les conditions du séjour. Un salarié français expatrié au Mexique peut doubler son salaire, voire plus, et ses frais sont remboursés. Les primes données aux travailleurs du Mexique pour assurer leur pension ici (repas et transport) ne dépassent pas 190 euros... par semaine. En matière de logement, les travailleurs français à l'étranger logent dans des hôtels pour touristes avec quelques étoiles et ils n'ont pas à faire l'avance de leurs frais. Chacun a droit à une demi-heure par semaine pour téléphoner à ses proches en utilisant un bureau de l'entreprise. Les Mexicains, eux, sont logés au foyer de jeunes travailleurs de Montauban dans des chambres avec WC à l'étage, et ils doivent faire l'avance de leurs frais, et acheter même le papier hygiénique. Et pour contacter leurs proches on leur donne royalement... une carte téléphonique. On comprend que certains aient envie de repartir.
Le bulletin Lutte Ouvrière s'est fait l'écho de l'émotion d'une grande partie du personnel de l'usine. Dans l'écho s'adressant aux travailleurs mexicains en espagnol, il expliquait: «Depuis quelques jours, vous êtes arrivés du Mexique. Notre patron nous explique à nous, en France, que vous, travailleurs mexicains, vous coûtez moins cher. Et à vous, le même patron vous dit que ce serait les ouvriers chinois qui coûteraient moins cher. Les patrons jouent avec la langue et les milliers de kilomètres pour nous diviser et... accumuler des profits sur notre travail à tous.
Il ne serait que justice que nous ayons la même paye et les mêmes avantages sociaux. Nous pensons que «l'égalité veut d'autres lois» que celles de cette société capitaliste. Et c'est la lutte des travailleurs, unis contre l'inégalité et l'injustice, qui fera changer les choses.»
Le jour même, plusieurs ouvriers du Mexique ont exigé une augmentation. Le patron leur a concédé 70 euros d'augmentation de la prime de déplacement. C'est dérisoire par rapport à ce qu'il faudrait. Mais l'histoire n'est pas finie.
Labinal, qui appartient au groupe Snecma, est déjà aux prises avec l'inspection du Travail pour l'utilisation abusive du travail intérimaire. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de la traite d'esclaves comme aux siècles derniers, mais d'une forme d'esclavage moderne: la surexploitation d'ouvriers étrangers, au mépris de la loi et du code du travail.
Dans les ateliers, des travailleurs réclament le respect d'une règle aussi élémentaire que «À travail égal, salaire égal». Certains ajoutent: «En prison, les esclavagistes!».