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Leur société
Seillière fait du harcèlement
Maintenant que les panneaux électoraux et les urnes sont rangés, le patron des patrons, Ernest-Antoine Seillière, revient à la charge pour rappeler à l'actuel gouvernement les exigences du patronat. Il n'est élu par personne mais il entend comme à son habitude dicter la politique, pour que le patronat reste le premier servi.
Dans un entretien, paru le 29 juin dans La Tribune, il se montre particulièrement satisfait qu'il n'y ait plus d'élections d'ici 2007. Maintenant "la société française doit être harcelée de réformes", déclare-t-il.
Le gouvernement, qui a annoncé une réforme de la taxe professionnelle, est invité à passer rapidement à l'acte, selon un axe qui lui est cher: "Il faut alléger la taxation des entreprises, et non pas répartir différemment un même impôt entre elles". Ainsi, les communes disposeront d'encore moins de moyens pour régler les problèmes sociaux!
Quant aux exonérations de charges apparues avec les lois Aubry sur les 35 heures, exonérations renouvelées par Fillon, il invite le gouvernement à les poursuivre. Il fait les gros yeux du côté de Bercy, où on s'interroge ces jours-ci sur leur coût pour le budget (16 milliards d'euros par an, soit l'équivalent du "trou de la Sécu"). L'Insee vient de calculer que, pour 2004 et 2005, le montant des exonérations dépassera même le montant de l'augmentation du smic annoncée pour juillet.
Seillière revient sur sa "bête noire", les 35 heures. La rallonge de cinq heures non payées imposée récemment dans une entreprise allemande lui permet de dire que, "face à la compétition mondiale, (...) il faudra bien un jour ou l'autre que l'on paye 39 heures pour 39 heures de travail, et non pas pour 35 heures". Mais il se garde de dire à ce sujet que les patrons devraient alors perdre les exonérations, initialement destinées à compenser ces quatre heures pour que le patronat n'y soit pas de sa poche!
Mais Seillière en veut plus encore: "Il faut donner à l'entreprise la capacité de négocier sur le temps de travail de manière dérogatoire à la loi". Il exige la "liberté" de "déterminer la durée et la rémunération du travail dans l'entreprise ou dans la branche". En clair, exit le code et la réglementation du travail, aux orties les conventions collectives et en avant vers les longues heures et les salaires bas!
La réforme de l'assurance-chômage est aussi dans le collimateur de Seillière. Lui qui plaide pour une liberté sans entraves pour les chefs d'entreprise, lui qui a signé l'arrêt de mort des salariés d'Air Lib en retirant ses capitaux de cette entreprise, ose dire que les "chômeurs ont des devoirs"! En cas d'une renégociation de l'assurance-chômage, qu'il ne souhaite pas, il exclut par avance que le patronat augmente sa part de cotisation. Le patronat peut alimenter le chômage en multipliant les vagues de licenciements, mais nul devoir ne doit s'imposer aux riches!
Enfin, il soutient l'attaque en cours contre la Sécurité sociale, comme il a soutenu celle contre les retraites l'an dernier. Aux assurés de payer donc pour que, par l'intermédiaire de l'État, les patrons puissent continuer de vider les caisses de la Sécu.
Pour Seillière, les droits des salariés doivent voler en éclats, il veut une société où les salariés travailleront de plus en plus, pour pas cher et sans avantages particuliers. Ce "harcèlement" de prétendues réformes, qu'un journaliste de La Tribune appelle le "grand soir" du patronat, signifie pour le monde du travail une grande régression sociale, qu'il ne faut pas laisser passer.