EDF-GDF Changement de statut : L'État déroule le tapis rouge pour le secteur privé30/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1874.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

EDF-GDF Changement de statut : L'État déroule le tapis rouge pour le secteur privé

Le 29 juin, l'Assemblée nationale votait le changement de statut d'EDF et GDF qui sont devenues des sociétés anonymes et non plus des entreprises d'État. Le surlendemain, 1er juillet le marché de l'énergie s'ouvre à la concurrence pour les trois millions de clients professionnels. Coïncidence du calendrier; pourtant il se trouve que les deux événements sont liés.

L'ouverture du marché existe déjà, depuis 2000, pour les très gros consommateurs (industriels, SNCF, centres commerciaux, aéroports, arsenaux, etc.). Il s'étendra maintenant aux PME-PMI, artisans, commerçants, professions libérales, municipalités, etc., c'est-à-dire tous ceux qu'on trouve dans les "pages jaunes" des annuaires. Dorénavant ils sont libres de choisir leur fournisseur en Europe. En contrepartie les prix aussi sont libres. Chacun s'attend à ce que ceux-ci augmentent. Ainsi EDF ne fait pas mystère depuis des années de sa volonté d'augmenter ses tarifs, au-delà des hausses limitées que l'État a consenties. Pour les très gros consommateurs les prix ont déjà considérablement augmenté, et certains patrons protestent qu'on les assassine, en particulier le président de la SNCF qui se plaint d'une hausse de 40%. Qu'en sera-t-il pour les "professionnels"? Les tarifs étant plutôt bas, en France, par rapport aux autres pays d'Europe, EDF va très certainement s'aligner sur ses concurrents.

Tous ces patrons petits et gros, clients d'EDF, qui appelaient de leurs voeux la libre concurrence censée leur apporter la baisse des tarifs, vont donc pouvoir goûter des charmes du "libéralisme" à une sauce qu'ils n'avaient peut-être pas imaginée.

Quant au gaz, son prix est aligné "automatiquement" (et sans aucune raison valable!) sur celui du pétrole. Dans la mesure où le pétrole augmente, le prix du gaz en fait donc autant, et les trusts pétroliers et gaziers, tout comme GDF, se contentent de ramasser les bénéfices.

Quant aux simples particuliers, les usagers ordinaires, ils auront trois ans de sursis, jusqu'en 2007, date à laquelle ils seront eux aussi livrés au marché (et aux prix!) libre. Mais cela ne signifie pas qu'ils ne subiront pas des augmentations d'ici là, car si les tarifs qui les concernent sont toujours encadrés par l'État, celui-ci peut autoriser des hausses...

En tout cas, EDF et GDF devraient donc logiquement faire de gros bénéfices dans la période à venir, et forcément cela fait saliver les requins de la finance. C'est ici qu'intervient le changement de statut.

En devenant sociétés anonymes, EDF et GDF vont avoir le droit d'ouvrir leur capital, à concurrence de 30%. La loi prévoit, pour le moment que la part de l'État ne descendra pas en dessous de 70%. Mais, bien entendu, tout comme cela a été le cas pour France Télécom, ce seuil pourra être modifié ultérieurement par une autre loi. L'ouverture effective devrait avoir lieu dans un an, mais en attendant EDF pourra s'associer à une compagnie gazière pour vendre du gaz, tout comme GDF pourra s'associer à une société d'électricité pour vendre du courant, car dorénavant EDF et GDF seront concurrents. Et il n'est qu'à lire et à entendre les publicités des uns et des autres pour constater que tout ce beau monde est en train de se déchirer pour conquérir des parts de marché.

Et pour le personnel? Dès que le nouveau statut sera en vigueur le régime de retraite des électriciens et gaziers sera modifié. Une caisse de retraite sera créée "adossée à la Sécurité sociale", et les cotisations des agents augmenteront de 4%. EDF et GDF avaient promis qu'ils compenseraient cette dépense. Mais on commence à voir de quelle manière: la dernière augmentation des salaires a justement été qualifiée de compensation partielle pour la hausse des cotisations retraites. Il en sera sans doute de même des suivantes, jusqu'à concurrence des 4%...

Le reste des mauvais coups viendra plus tard. En particulier les 37,5 années de cotisation pour avoir droit à la retraite seront remises en cause, comme le texte sur les retraites en prévoit la possibilité. Et puis ensuite il en sera fait au bon vouloir des actionnaires privés et de l'État qui continueront à s'attaquer aux électriciens et gaziers.

À l'Assemblée nationale le PS et le PCF ont multiplié les amendements et ont voté contre le changement de statut. Mais lorsqu'ils étaient au gouvernement ils ont contribué à préparer l'ouverture du marché (en particulier Jospin et Chirac au sommet de Barcelone sur l'énergie) et les leaders du PS n'ont jamais caché qu'ils étaient favorables à l'ouverture du capital, mot pudique pour privatisation. Christian Pierret, ex-ministre PS de l'Économie sous Jospin (et à ce titre en charge d'EDF et GDF) vient même de déclarer dans une interview: "Que donner à EDF dans le futur les moyens de son développement et de ses investissements est incontournable. L'entreprise publique sera capable de bénéficier largement de l'ouverture du marché quand elle sera transformée en société anonyme."

Le PS se dit contre le changement de statut à l'Assemblée, mais il ne va pas jusqu'à promettre que, s'il revenait au pouvoir, il renationaliserait EDF et GDF (ce qui, s'il le faisait sincèrement, aurait le don de doucher l'enthousiasme des investisseurs). Non, il amuse la galerie dans l'hémicycle. Mais ce qu'il pense vraiment, c'est Christian Pierret (après Fabius, Strauss-Kahn, et quelques autres) qui le dit.

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