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- Lutte ouvrière n°1871
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Dans les entreprises
Ronal - Saint-Avold (Moselle) : Le patron arrêté en direct
Ce n'est pas tous les jours qu'on voit cela à la télé: un patron interpellé par la police devant ses ouvriers qui n'ont pas l'air de le plaindre. Et il y a de quoi: il était venu au Comité central d'entreprise annoncer la fermeture de celle-ci, 170 salariés risquant de se retrouver du même coup à la rue.
Cela s'est passé le vendredi 4 juin. Le patron est celui de Ronal, un groupe (allemand basé en Suisse) qui produit des équipements automobiles dans diverses usines en Allemagne, en Pologne, en République tchèque ainsi qu'à Saint-Avold en Lorraine.
L'affaire n'a rien d'original. La veille encore de son interpellation, la direction déclarait dans un communiqué reproduit par la presse régionale: «La fin de l'entreprise de Saint-Avold n'a jamais été programmée», mais «le marché automobile ayant malheureusement chuté (...), l'usine a dû recourir au chômage partiel.» Et de prétendre que, les ouvriers occupant l'usine, cela a «obéré gravement la trésorerie» de l'entreprise qui «se voit dans l'obligation (...) d'engager une procédure de déclaration de cessation de paiement». Dans ce communiqué, le patron jouait à la vertu outragée face à «certains qui ont cru bon de porter plainte en justice contre les dirigeants de la société. Elle n'a pu aboutir faute d'opération suspecte susceptible d'être qualifiée pénalement, selon les propos du procureur».
Manque de chance pour ce monsieur aussi menteur qu'un patron peut l'être, ledit procureur venait de recevoir des documents (des ordres de virement) prouvant que la direction avait bel et bien programmé la fermeture de l'usine en organisant son insolvabilité.
Cela faisait longtemps qu'elle s'y employait. Le marché automobile «déprimé» ne l'avait pas empêchée d'ouvrir un site en Pologne dès 1995 et un autre en Tchéquie en 2001, de simples «implantations commerciales» employant 80 salariés chacune, prétendait-elle. Mais quand, en mai dernier, elle chercha à récupérer des moules (pour fabriquer des jantes) afin de les envoyer à l'Est, des représentants des salariés de Saint-Avold se rendirent en Pologne et découvrirent, en fait d'«implantation commerciale», deux usines employant 1010 salariés. Dans la foulée, ils apprirent que la direction, qui jusqu'alors avait commandé pour 120000 euros de marchandises à sa branche tchèque, venait de lui régler une facture douze fois plus élevée.
La direction vidait la caisse, transférait ses activités vers des pays aux salaires bien plus bas où elle développait sa production et, dans le même temps, elle pleurait misère. Elle faisait passer le chômage partiel d'une semaine à une semaine et demie, puis à deux semaines par mois, en faisant prendre en charge par l'État l'indemnisation de ce chômage qu'elle organisait! Exactement comme elle s'apprêtait à le faire pour les licenciements, puisqu'elle se serait déclarée en cessation de paiement.
La routine, en quelque sorte, pour ces patrons qui pleurent misère la bouche et surtout les poches pleines. Cette fois, cela ne se passe pas aussi bien (pour eux) que d'habitude. Le patron sera, on peut l'espérer, condamné. Mais, même avec une amende substantielle à la clé, voire des indemnités judiciaires à verser à ses salariés, ceux-ci risquent, quand même, de se retrouver sans travail. Et la véritable justice serait d'obliger ce groupe à leur verser leur salaire, que l'usine tourne ou pas, d'autant qu'il en a plus que les moyens.