- Accueil
- Lutte ouvrière n°1867
- Nos lecteurs écrivent : À propos de la fermeture de la dernière mine de charbon
Dans les entreprises
Nos lecteurs écrivent : À propos de la fermeture de la dernière mine de charbon
Chers camarades,
Il est tout à fait justifié de consacrer un article du journal à l'arrêt de l'extraction du charbon dans le dernier puits encore exploité en France. C'est la disparition d'un secteur industriel qui fut de première importance il y a quelques décennies, tant du point de vue économique que des luttes sociales très dures mais curieusement méconnues qui ont marqué son histoire. Et cet aspect est totalement occulté dans l'article de LO.
De 1983 (annonce du plan de récession charbonnière décidé par le gouvernement de gauche) à 1994, les mineurs de Lorraine, du Centre-Midi et du Nord ont multiplié les grèves, les manifestations et les affrontements de rue contre une décision politique qu'ils ne cautionnaient pas. Si la majorité des mineurs a fini par se résoudre à la fermeture de l'entreprise, c'est que l'État (avec la complicité active de tous les syndicats à l'exception de la CGT) y a mis le prix. Les mineurs bénéficient du Congé charbonnier qui leur garantit, dès l'âge de 45 ans, 80% de leur meilleur salaire. La Dispense préalable d'activité leur permettra même de cesser le travail encore plus tôt.
Les luttes des mineurs appuyées par la seule CGT se sont poursuivies jusqu'à l'an dernier et leur ont permis d'améliorer encore leurs conditions financières de départ. Ainsi les mineurs ne deviennent pas à proprement parler des chômeurs puisqu'ils n'ont pas à retrouver un emploi et que leurs revenus sont garantis.
Pourtant, ce "plan social" qui pourrait être un modèle d'exigence pour les travailleurs des entreprises liquidées à travers le pays, ne compense pas le prix à payer par les mineurs, les travailleurs et les chômeurs des bassins miniers. Pour prendre l'exemple de la Lorraine (mais on sait aussi combien le Nord-Pas-de-Calais est sinistré), les 25000 emplois miniers de 1983 se sont réduits à 3000 aujourd'hui. De plus, un emploi minier générant deux emplois induits, ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui ont disparu avec des licenciements secs pour ces salariés du privé qui ne bénéficient pas, eux, du Congé charbonnier. Au mieux la moitié des emplois miniers ont été compensés dans une région déjà bien touchée par le chômage.
Quant aux mineurs en "congé", tout n'est pas rose non plus, loin s'en faut. La CGT, toujours bien seule, avait réclamé une préparation au Congé charbonnier comme cela se fait dans quelques secteurs pour les préretraites. Les autres syndicats et la direction de l'entreprise avaient trouvé cela plutôt amusant. Aujourd'hui tout le monde reconnaît qu'il y a quelques problèmes !
Chacun sait que les dépressions avec toutes leurs manifestations quelquefois dramatiques sont légion. Chacun peut citer des exemples, des noms dans sa cité, chez ses ex-collègues. Si le travail dans notre société reste aliénant, il demeure le lieu privilégié de la socialisation. Cesser le travail vers 45 ans peut paraître une bénédiction mais cela n'est vrai que pour ceux qui ont une richesse culturelle, politique ou autre qui leur permet de remplir leur existence et de profiter au mieux de la vie. Ce n'est pas à ça que le capitalisme prépare les travailleurs !
Alors camarades, bien sûr, "la compassion paternaliste des commentaires qui ont accompagné cette fermeture est insupportable" mais la fermeture l'est également, comme est insupportable ce système économique et politique qui gâche les richesses de l'humanité et la vie des populations ouvrières.
Salutations les plus cordiales
Réponse :
Les conditions de départ des derniers mineurs que tu décris montrent bien que, lorsque les pouvoirs publics craignent la colère ouvrière, ils savent trouver l'argent pour que les suppressions d'emplois se fassent sans le drame du chômage et de l'ANPE. Même si cela ne règle pas tout.
Si la fermeture est insupportable à beaucoup, c'est en raison d'un chômage massif qui fait que les enfants de mineurs, ou tous ceux qui travaillent en emplois induits grâce à l'exploitation charbonnière, se retrouvent à pointer à l'ANPE ou à tenter de trouver du travail en Allemagne. Mais on ne peut pas regretter qu'ils ne puissent plus descendre au fond et, dans leur immense majorité, ils ne le regrettent pas non plus.
Nous ne savons pas s'il serait nécessaire, dans une société ayant pour souci le bien des travailleurs, de maintenir l'exploitation du charbon à 1000 mètres sous terre, alors que le charbon est accessible à ciel ouvert dans bien des pays. Mais ce que nous savons, c'est qu'aujourd'hui, on pourrait très bien créer des emplois dans les services publics où les effectifs sont insuffisants alors que les besoins sont immenses.
Le drame n'est pas la fin des mines, mais la poursuite du système capitaliste et le fait que, lors des changements de techniques, de production ou d'énergie, l'intérêt des travailleurs et des populations -comme le souci de la nature- n'a aucune place. Malgré les luttes, la fin du charbon est la fin d'une histoire très noire. Nous ne nous en réjouissons pas. Mais tout le cinéma, toute la compassion paternaliste des commentaires faits autour du mythe de la mine étaient pour le moins choquants lors de la fermeture de la dernière mine de Lorraine.
Alors, comme l'exprimait un mineur des HBL sur France3, "c'est quand les mines fonctionnaient que les médias auraient dû s'intéresser aux conditions de vie et de travail des mineurs !"