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- Lutte ouvrière n°1865
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Dans les entreprises
Fermeture de l’usine D’Aucy (Le Plessis-Belleville, 60) : Les patrons ont dû payer plus que prévu
L'usine de conserves du Plessis-Belleville, dans l'Oise, propriété du géant de l'agro-alimentaire D'Aucy-Cecab, va fermer ses portes à la fin du mois d'avril. Ce sont 135 salariés permanents et 200 saisonniers qui se retrouvent ainsi victimes de la soif de profit des actionnaires de ce groupe de plus de 6000 salariés, dans le peloton de tête de sa spécialité. En effet, comme l'ont annoncé froidement les actionnaires, cette fermeture permettra, en répartissant sur quelques autres usines le travail qui y était réalisé jusque-là, d'économiser des investissements et d'accroître les bénéfices.
Seulement cette fermeture ne s'est pas passée comme l'avaient prévu les patrons, et les salariés se retrouvent au final avec des garanties bien supérieures à ce qu'on se préparait à leur donner il y a seulement quelques semaines. Ce sont les travailleurs eux-mêmes, ceux de la base, qui ont «troublé la fête», c'est-à-dire le scénario mis au point par les patrons du groupe avec l'appui de certains délégués et responsables syndicaux.
Fin décembre 2003 et début janvier 2004, toute la procédure légale était menée au pas de course par la direction, avec l'appui sans faille du délégué syndical CFDT, seul syndicat représenté dans l'usine depuis de nombreuses années. À peine ouvertes, les différentes étapes des procédures légales étaient refermées par la direction et les délégués, et un accord était même signé qui prévoyait la fermeture en mars, quasiment sans aucun droit, et sans que le groupe D'Aucy-Cecab soit impliqué.
Mais à vouloir être trop gourmands, les patrons de D'Aucy ont provoqué une réaction spontanée des ouvrières et des ouvriers. Ceux-ci se sont dressés contre ce que leur patron leur préparait et contre les délégués qui l'appuyaient et contre l'accord signé dans leur dos. Une grève s'est développée dont les ouvriers de l'entretien ont été le moteur. Le personnel a très majoritairement exigé de la CFDT l'annulation de l'accord et qu'elle enlève son poste au délégué syndical signataire. Au cours d'une assemblée regroupant 120 personnes, un comité de défense regroupant les plus engagés a été mis sur pied. La CFDT a été obligée de démettre son délégué syndical.
Les salariés ont continué à exercer leur contrôle sur les délégués. Ils ont empêché la tenue des réunions de Comité d'entreprise que la direction programmait, avec un temps l'aval des délégués, en visant la fermeture accélérée de l'usine. Par ailleurs, l'ancien délégué syndical restant dans l'usine et continuant son travail au service de la direction a été obligé de partir définitivement en congé de longue durée.
C'est ce comité qui, après se l'être procuré, a lui-même publié et distribué au personnel le projet de plan social que la direction concoctait en secret avec les délégués, ces derniers refusant de le communiquer au personnel. Ce fut cette révélation qui provoqua une nouvelle crise dans l'usine et mit par terre tout ce qu'avait prévu la direction. Le personnel demandait l'implication du groupe et des garanties exceptionnelles.
Au bout du compte, la CFDT a fini par assigner la direction et le groupe D'Aucy en justice. Le tribunal de Senlis a alors proposé la nomination d'un médiateur. La direction du groupe D'Aucy-Cecab a accepté. Cette fois elle décidait de s'impliquer et de négocier en son nom la mise au point d'un accord, comme le réclamaient les salariés.
L'accord garantit finalement 7 mois de congé de reclassement payé à 100%, en plus de deux mois de préavis; le groupe était même prêt à accorder deux mois de plus. Des propositions de reclassements supérieures aux licenciements sont faites, mais qui sont dans les autres usines du groupe, dont la plus proche est à plus de 100 kilomètres. Des avantages et primes sont accordés aux saisonniers, alors qu'ils étaient exclus totalement du plan initial. Il y a également des indemnités extra-légales.
Au final, même si les travailleurs de D'Aucy n'ont pu empêcher la fermeture de leur usine, ils ont pu par leur mobilisation, leurs réactions et leur vigilance obliger leurs patrons à payer plus qu'ils n'auraient souhaité. Et dans la région, cette lutte, un peu hors norme, a été ressentie avec sympathie, comme un point marqué par les travailleurs.