Daewoo (Mont-Saint-Martin, Meurthe-et-Moselle) : Le bluff du reclassement28/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1865.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Daewoo (Mont-Saint-Martin, Meurthe-et-Moselle) : Le bluff du reclassement

«297 solutions ont été trouvées» pour les ex-salariés de Daewoo de la banlieue de Longwy, expliquait la «cellule de reconversion» dans le quotidien local, le Républicain lorrain. Faux, a rétorqué dans le même journal Amar Bouchama, l'un des responsables de la lutte des travailleurs de Daewoo, et par ailleurs représentant des salariés dans cette cellule de reconversion, qui a donné des précisions: «Sur les 533 employés, 74 ont décroché un CDI, mais seulement 10 ont été aidés par le cabinet». La différence, c'est que la cellule compte comme des «solutions» les CDI, les CDD, les missions d'interim et les formations!

Comme toutes les officines privées qui font leur beurre sur les licenciements, la société chargée de gérer les «reconversions», BPI, est payée aux résultats: tout salarié sorti d'une manière ou d'une autre du congé de conversion, même par un contrat d'intérim, est considéré comme reclassé. Ce qui permet d'encaisser les subventions publiques à la reconversion!

BPI n'a rien d'une petite entreprise: elle emploie mille consultants, possède cinquante bureaux dans dix pays d'Europe, ainsi qu'au Brésil et au Maroc. En 2003, elle a fait un chiffre d'affaires de 90 millions d'euros. Pour le reclassement des Daewoo, BPI n'a absolument pas respecté ses engagements. Dans le contrat qui la liait aux pouvoirs publics, BPI affirmait que la cellule serait composée de quinze salariés pendant les douze mois de fonctionnement: seulement cinq ont été présents à temps plein, quatre n'ont jamais été vus à Longwy et six sont venus de quelques semaines à quelques mois.

BPI devait également fournir aux licenciés l'accès à des ordinateurs: un seul était disponible à l'accueil... soit un pour 500 licenciés! Les anciens de Daewoo n'ont pas vu non plus la couleur des téléphones, fax, photocopieuses ou salle de réunion promis. Les offres d'emplois que proposait BPI reprenaient celles de l'ANPE.

Cela n'empêche pas des responsables ce cabinet, dans la presse locale, de faire la leçon aux travailleurs qui n'ont pu trouver une «solution». «Ce sont souvent des personnes qui ont des exigences en terme de salaire et qui connaissent mal les règles du jeu du marché du travail», expliquait même une chargée d'affaires. On aimerait savoir combien elle est payée pour raconter de telles insanités.

Daewoo avait reçu 68 millions d'euros des pouvoirs publics pour installer trois usines en Lorraine. Elles sont aujourd'hui toutes fermées. Et comme les caisses étaient vides, la fermeture, elle aussi, a été prise en charge en totalité par l'État, le Conseil régional et le Département.

Le plan «social» prévoyait 2134 euros par salarié pour la mise en place de la cellule de reclassement, des congés de conversion avec prise en charge de 65% des salaires pendant un an, un million d'euros de l'État pour des actions de formation, et deux millions versés par la Région pour des «mesures d'accompagnement».

Il n'est pas venu à l'idée des pouvoirs publics de demander des comptes au fondateur du groupe, grand ami de Chirac et de l'ex-président du Conseil régional Gérard Longuet. Ce ne serait pourtant pas difficile: il a fui la Corée où il est poursuivi pour la banqueroute de Daewoo et coule actuellement des jours heureux dans une villa de milliardaire... sur la Côte d'Azur.

Ouverture des usines comme fermeture, les pouvoirs publics n'ont pas été regardants sur l'utilisation des fonds publics. Les travailleurs, eux, restent sur le carreau.

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