Décentralisation : Transferts au détriment des services publics22/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1864.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Décentralisation : Transferts au détriment des services publics

Après la déroute des élections régionales, Raffarin a remis sur pied le projet de loi sur la décentralisation, qu'il avait présentée en 2002 comme «la mère des réformes». À l'évidence, «cette nouvelle étape de la loi sur la décentralisation», comme les autres actes mis en place hier par Mauroy ou Jospin, ne vise qu'à dégager l'État de ses obligations financières vis-à-vis des services publics, via les collectivités locales.

Au Parlement, le vote du projet de loi a suscité autant de «réserves» à gauche qu'à droite. Mieux, c'est un député UMP de la Somme qui a dénoncé le transfert des compétences vers les collectivités sans en assurer le financement. Du coup, Raffarin a déclaré que le projet pourrait être remanié. Puis il a convié tous les présidents de région, en quasi-totalité socialistes, à une séance de discussion sur l'avenir du projet.

Et comme Raffarin pouvait visiblement dire n'importe quoi sans que cela ne l'engage, il a même évoqué, de façon très floue il est vrai, le fait qu'une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, puisse aider les collectivités locales à financer les nouvelles dépenses liées aux transferts des services publics. Puis, après tant de générosité, Raffarin a demandé aux régions un engagement de ne pas augmenter les impôts dépendant d'elles!

Depuis 1982 la décentralisation a eu pour objectif, via des transferts successifs d'une partie toujours plus grande des services publics, auparavant assurés par l'État, vers les départements, les régions et dans une moindre mesure les communes, d'économiser des sommes considérables pour alimenter les besoins sans fin du grand patronat. Depuis le début, il est inscrit dans la loi que ces transferts doivent «être totalement compensés». Mais ils ne l'ont jamais été et ils le sont même de moins en moins. D'ailleurs, pour en finir avec cette hypocrisie, Balladur a fait inscrire en 1994 dans la loi que le gouvernement déciderait, chaque année, ce qu'il donnerait aux collectivités locales.

Parmi les choix gouvernementaux, dont certains furent lourds de conséquence pour les finances des collectivités locales, nombreux furent ceux qui furent pris par le gouvernement Jospin. C'est lui par exemple qui a transféré vers les régions, sans en assurer le financement correspondant, la totalité du réseau ferré régional assuré par les TER. Le gouvernement Jospin, toujours lui, a également transféré vers les départements la charge de l'allocation dépendance, l'APA, toujours sans en assurer la totalité du financement. Dans le même temps, le gouvernement Jospin a diminué de 10 milliards d'euros par an le montant de la taxe professionnelle payée par les seuls patrons. C'est, et de loin, la première recette des collectivités locales. Cette baisse s'est faite en lésant les collectivités de plusieurs centaines de millions d'euros, et donc en les appauvrissant un peu plus.

Et pour finir, en testament en quelque sorte, Jospin a laissé un projet, vite repris par la droite, consistant à transférer aux régions et aux départements quelque cent mille TOS de l'Éducation nationale, qui sont les agents des lycées et collèges. C'est ce projet qu'a condamné lundi 19 avril, de tout son coeur et sans hypocrisie, Ségolène Royal, sur les marches de Matignon, là où elle officiait il n'y a pas si longtemps en défendant ce qu'elle condamne aujourd'hui.

Certes les notables du PS ont raison de dire que les transferts supplémentaires, envisagés par Raffarin, vers les collectivités locales ne peuvent qu'aboutir à la destruction de ces services publics indispensables à la population. Ils peuvent d'autant plus le dire qu'ils en connaissent un rayon sur le sujet, eux qui ont contribué à mettre en oeuvre cette politique quand ils étaient au gouvernement.

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