"Projet contre projet" ? OEil pour oeil, dent pour dent !16/04/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/04/une1863.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

"Projet contre projet" ? OEil pour oeil, dent pour dent !

Chirac et Raffarin ont perdu la bataille des régionales mais pas la guerre contre les travailleurs, en particulier pour "réformer" la Sécu. La nouvelle équipe Raffarin III fourbit ses armes, au premier rang desquelles l'entente avec ses adversaires mais pas ennemis de la gauche politique et syndicale. "Il est indispensable que les partenaires sociaux et le gouvernement, mais aussi que la majorité et l'opposition (...) se rassemblent pour discuter et rechercher ensemble une solution.", a dit Chirac. Il faut une "union nationale", a renchéri Douste-Blazy, nouveau ministre de la Santé.

Le Parti socialiste, loin de s'indigner qu'on lui propose de participer au coup de hache contre la protection sociale, répond présent. Hollande "ira à toutes les réunions". Jean-Marie Le Guen, chargé du projet socialiste sur la Sécu, jure que face à une "situation extrêmement grave", le PS "prendra toutes ses responsabilités", "ne limitera pas son action à une posture critique", "ne jettera pas de l'huile sur le feu"... Il faudrait une réforme -affirmatif! - mais qui serait "juste".

Ôtez-nous d'un doute:

"Juste", de ne pas contester le "trou" de 10 milliards d'euros de la Sécu, en rappelant qu'il représente moins de 10% de ses dépenses totales, là où l'État compte un déficit de 20% de ses dépenses totales, 5 fois plus élevé en valeur absolue?

"Juste", de ne pas proposer de combler ce "trou", en supprimant les multiples formes d'exonérations patronales qui se chiffraient à un total de 20 milliards en 2003?

"Juste", de ne pas souligner que si tous les travailleurs avaient un emploi et un salaire correct, les caisses sociales seraient largement en excédent?

"Juste", de ne pas montrer du doigt les énormes marges bénéficiaires des trusts pharmaceutiques, ou autres fournisseurs des hôpitaux, et proposer à leur encontre des mesures coercitives?

"Juste", d'admettre que la Sécu assume toutes les dépenses et que l'État ne contribue que pour 1,3% aux dépenses de santé publique?

"Juste", de laisser en conséquence envisager une augmentation des cotisations, ou une réduction des prestations, ou les deux à la fois? Et de faire ainsi trinquer encore les travailleurs, les retraités, les chômeurs, les plus démunis qui n'auront plus droit qu'à un "panier de soins" percé?

Les dirigeants socialistes partisans d'une "réforme juste" ne disent ni ne font rien qui puisse rassurer les travailleurs. De plus, ils jurent que c'est au parlement et là seulement qu'ils opposeront "projet contre projet" (entendez pas les travailleurs dans la rue!). La loi passera sans eux, la droite assumera le sale boulot et les socialistes en garderont les dividendes électoraux... pour une victoire aux législatives et présidentielle de 2007.

Et la Sécu, là-dedans?

Si le PC a quelques accents plus nerveux pour dire "pas touche à ma Sécu", ses initiatives ne sont guère à l'avenant, et ses responsables ne se démarquent pas des manoeuvres politiciennes du PS.

Quant aux directions syndicales? C'est selon, évidemment.

Il en est quelques-unes qui déjà, comme pour la "réforme" des retraites de l'an dernier, préparent leur assentiment au gouvernement. Il en est d'autres, en premier lieu la CGT, la plus influente, qui ne manquent pas d'arguments pour condamner les mensonges et projets gouvernementaux et patronaux. Les dirigeants de la CGT n'ignorent rien des causes du prétendu "trou", n'ignorent rien du hold-up patronal sur les finances de la Sécu, n'ignorent rien des effets dévastateurs des bas salaires et du chômage sur les finances de l'assurance maladie... Mais ils n'en affirment pas moins la nécessité d'une "réforme... de progrès". Et ils ne fixent à ce jour aucune perspective de riposte générale ni aucun plan de lutte à l'ensemble de la classe ouvrière. Ce qui serait vital, évidemment.

Les dirigeants de la CGT, comme les autres, participent aux négociations et se préparent aux compromis avec le gouvernement. Les lignes de leur programme sont moins des revendications claires et nettes dont les travailleurs pourraient se saisir pour engager la lutte, que des points de marchandages avec patrons et gouvernants: "élargir l'assiette en prélevant des cotisations sur certains revenus financiers des entreprises", "moduler le taux de cotisation", etc... Ils en attendent aussi des miettes pour les partenaires sociaux qu'ils sont, qui auraient "vocation à gérer le régime général sur des bases qui garantissent: la représentation majoritaire des salariés, le retour à l'élection de leurs représentants (ce qui devrait donner plus de poids à la CGT), un véritable statut pour remplir leurs missions". Pour que des appareils renforcés soient plus efficaces dans la complicité avec des mesures scélérates?

Douste-Blazy l'espère en tout cas: "Une des clés de ce chantier (...) est de remettre les partenaires sociaux au coeur du système. Je suis décidé à voir avec eux dans quelles conditions il est possible d'organiser la délégation de gestion et jusqu'où elle ira." (Le Monde du 09/04).

L'année 2003 a été celle de la réforme des retraites du public. Année et réforme sont passées, mais pas sans un mouvement qui a bousculé les calculs gouvernementaux, à défaut de l'emporter. L'année 2004 est devant nous. Gouvernement et patronat voudraient qu'elle soit celle de la réforme de la Sécu... contre l'opinion majoritaire des travailleurs et des militants.

L'histoire ne se répète jamais... mais elle peut se corser.

Bernard RUDELLI.

Convergences Révolutionnaires n°32 (mars 2004), bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Après Jospin, Raffarin, de mal en pis
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