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Dans le monde
Malversations à l'ONU : Le secrétariat général trempe dans un scandale
De hauts responsables de l'ONU seraient compromis dans des malversations liées à l'embargo imposé à l'Irak après la première guerre du Golfe, en 1991.
On sait que la coalition des puissances impérialistes, dont la France, imposa alors, sous l'égide de l'ONU, ses conditions au dictateur irakien Saddam Hussein, tout en le maintenant au pouvoir contre la volonté d'une grande partie de la population. Un embargo fut mis en place. L'objectif affiché de cet embargo était d'empêcher Saddam Hussein de renouveler les équipements de son armée détruits par les bombardements alliés afin, disaient ces gendarmes du monde, que le dictateur irakien ne puisse plus menacer la paix dans cette région. Les puissances impérialistes exercèrent leur contrôle total sur le commerce extérieur de l'Irak et, en premier lieu, sur ses exportations pétrolières.
Les conséquences de cet embargo furent dramatiques pour les populations. On a estimé qu'en une douzaine d'années environ un million d'Irakiens, dont la moitié d'enfants de moins de cinq ans, sont morts des conséquences de cet embargo. Néanmoins, pour qu'il ne fût pas dit qu'elles restaient sourdes à la détresse du peuple irakien, ces "grandes puissances" mirent sur pied, sous l'égide de l'ONU, en 1995, le système d'échanges économiques minimum dit "pétrole contre nourriture". L'Irak pouvait exporter une certaine quantité de pétrole et importer en retour des produits de première nécessité. Toutes ces transactions commerciales devaient être autorisées et contrôlées par un comité spécial mis en place par l'ONU et supervisées par son Conseil de sécurité, qui fixait entre autres le prix du pétrole vendu par l'Irak.
Ce système ne permit pas à la population irakienne de se nourrir ni de se soigner convenablement. Elle n'empêcha pas non plus une ribambelle d'entreprises capitalistes de faire des profits juteux, y compris bien sûr des sociétés américaines qui intervenaient discrètement par le biais de filiales, françaises ou autres. Au passage des hauts fonctionnaires irakiens prélevaient leur dîme, mais aussi des personnalités internationales qui auraient touché des coupons "pétrole" du gouvernement irakien. La Cotecna, une société suisse qui sous-traitait la vérification des marchandises entrant en Irak pour le compte de l'ONU, dirigée par Kojo Annan, le fils du secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, aurait fermé les yeux sur des surfacturations. Selon des responsables de l'ONU, ce serait des secrets de polichinelle.
Secrets ou pas, le Conseil de sécurité et le Secrétariat général de l'ONU ont quand même décidé d'ouvrir une enquête. Les États et les sociétés capitalistes qui ont commercé avec l'Irak sont "invités" à témoigner, sans que l'on puisse les y obliger. D'autant que les enquêteurs n'ont guère de pouvoirs et, entre autres, pas celui d'aller "inspecter des traiders pétroliers installés aux îles Caïman".
Cette affaire n'est pas le seul scandale qui frappe l'ONU. Depuis dix ans, celle-ci gardait dans un placard la boîte noire de l'avion du président rwandais abattu le 6 avril 1994, empêchant toute enquête sur cet attentat qui fut le déclencheur des massacres au Rwanda. Pour Kofi Annan, il ne s'agirait que d' "une bourde de première classe" sans "tentative de dissimulation". Plus vraisemblablement, il pourrait s'agir d'épargner au général Paul Kagamé, actuel président du Rwanda et protégé des États-Unis, d'être accusé d'avoir été le commanditaire de l'attentat du 6 avril 1994.
Ces affaires successives rectifient l'image d'une organisation internationale présentée comme un arbitre et un juge suprême qui, au nom des États qui en sont membres, aurait pour tâche d'harmoniser leurs relations. La réalité est tout autre, l'ONU n'est que le paravent des intérêts et des choix des grandes puissances, les États-Unis bien sûr, mais aussi la France. L'étonnant serait que l'ONU soit à l'écart des scandales qui mettent en cause régulièrement et successivement les gouvernements qu'elle représente.