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Algérie - Élection présidentielle : Bouteflika plébiscité
Le 8 avril, le président sortant Bouteflika a remporté haut la main l'élection présidentielle algérienne avec près de 85% des voix (84,99% exactement). Son principal rival, Benflis, dirigeant du FLN, présenté comme susceptible de l'emporter en cas de deuxième tour, n'obtenait que 6,42% des suffrages. Ce résultat a jeté la stupéfaction dans les rangs des adversaires de Bouteflika et il semble que l'entourage même de celui-ci ait été quelque peu surpris par l'ampleur du succès.
Bien sûr, les rivaux de Bouteflika, c'est-à-dire Benflis (6,42%), l'islamiste Djaballah (5,02%) et Said Sadi (1,94%) du RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie) ont crié à la fraude massive. Mais il n'est pas évident que la fraude ait été plus importante que d'habitude au point d'expliquer l'ampleur du succès électoral remporté par Bouteflika.
Bouteflika évidemment a bénéficié de sa position de président sortant. Il a sillonné depuis des mois l'Algérie, distribuant promesses, subventions et crédits. Il avait également le soutien des partis de la coalition gouvernementale, c'est-à-dire du RND (Rassemblement National Démocratique), du MSP (Mouvement de la Société pour la Paix, islamiste) et d'une partie du FLN, les "redresseurs", alors qu'une autre partie soutenait Benflis. Il avait aussi l'appui de l'UGTA, de l'ensemble des organisations patronales, des zaouias (confréries religieuses) et même de quelques anciens dirigeants du FIS. L'armée avait déclaré à plusieurs reprises qu'elle resterait neutre et qu'elle ne pèserait pas directement sur les choix électoraux.
Mais, il faut bien dire aussi qu'en face, il n'y avait pas vraiment une opposition. Benflis lui-même avait été le directeur de campagne de Bouteflika lors de l'élection présidentielle de 1999, puis son Premier ministre jusqu'en mai 2003. Quant à Djaballah, du mouvement Islah, son score de 5% reflète peut-être le recul et la dispersion de l'électorat islamiste. Le soutien à Bouteflika du MSP, autre parti islamiste, et la non-consigne de vote de la majorité des dirigeants du FIS expliquent peut-être ce mauvais résultat. Said Sadi, qui pouvait se prévaloir d'une implantation en Kabylie, paye, lui aussi, le prix d'un soutien à la politique de Bouteflika puisque son parti, le RCD, a participé au gouvernement jusqu'à la répression des émeutes en Kabylie au printemps 2001. Avec moins de 2% à l'échelon national, il se voit dépassé par Bouteflika dans de nombreuses communes en Kabylie et dans les villes de Tizi Ouzou et de Bejaia. Il est vrai qu'en Kabylie, les abstentions ont été massives, atteignant plus de 80%.
Tous ces opposants l'étaient donc plutôt pour la forme et ne proposaient pas en réalité une autre politique. Ils préféraient parler de la fraude annoncée en cas de victoire du président sortant. Certains regrettaient même la "neutralité" de l'armée qui faisait, selon eux, le jeu de Bouteflika. Quant à Louisa Hanoune, candidate du PT (Parti des Travailleurs), sa défense de certaines revendications sociales était noyée dans un discours nationaliste, prônant l'union nationale et évitant toute dénonciation du pouvoir et de Bouteflika lui-même.
Bouteflika, évidemment, sort renforcé de ces échéances électorales. Chirac l'a très bien compris puisqu'il a été le premier chef d'État à lui envoyer un message de félicitations. Il devait même se rendre dès le 15 avril à Alger pour rencontrer Bouteflika. Les affaires avec l'Algérie n'attendent pas!
Que va faire Bouteflika sur le plan politique? Va-t-il en profiter pour dissoudre l'APN (assemblée populaire nationale) dans laquelle le FLN dirigé par Benflis était majoritaire? Cela n'est pas sûr. Il peut compter probablement sur bien des ralliements de dernière minute de députés FLN. Il va peut-être modifier la constitution dans un sens plus présidentiel et plus autoritaire. Peut-être cherchera-t-il aussi à s'immiscer un peu plus dans les affaires de l'armée. Mais quelques mises à la retraite de généraux impliqués dans le coup d'État de janvier 1992 et la guerre civile larvée qui a suivi ne remettraient pas en cause l'armée et son rôle dans l'avenir. Ce ne serait qu'un moyen de tourner la page.
Mais on peut être sûr, en tout cas, que Bouteflika, conforté, plébiscité, va en profiter pour continuer et intensifier sa politique antipopulaire et antiouvrière, c'est-à-dire les plans de licenciements, les privatisations et de nouvelles fermetures d'entreprises. Ainsi, un projet sur les hydrocarbures est en cours qui fragilise la Sonatrach, la société nationale des hydrocarbures, face aux compagnies pétrolières étrangères. Bouteflika cherchera sans doute à relancer ce plan, qui avait été retiré et pour cause d'élections et autres oppositions dont celle de la centrale syndicale UGTA.
Face à tous les mauvais coups que prépare sans doute Bouteflika, les travailleurs doivent se préparer.