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- Lutte ouvrière n°1861
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Editorial
Contre le gouvernement et le patronat, ne nous contentons pas du bulletin de vote !
Le deuxième tour des Régionales a plus que confirmé le premier. La droite a perdu toutes les régions sauf l'Alsace. Cela ajoute un coup de pied aux fesses à la gifle reçue la semaine précédente.
Cela n'a pas empêché Raffarin d'annoncer dès dimanche soir 28 mars que le gouvernement poursuivrait ce qu'il appelle ses réformes: la démolition des retraites, puis bientôt de la Sécurité sociale, l'Éducation nationale étranglée, la Recherche aussi, le logement social inexistant face à la flambée des loyers, les indemnités de chômage amputées. Il est question de limiter le droit de grève, de réformer le droit du travail et de restreindre les possibilités d'action des syndicats. Avant d'être un projet du gouvernement, c'en était un de Seillière, le président du Medef, et on ne peut pas douter que cela sera bientôt approuvé par l'Assemblée aux ordres.
Le remaniement ministériel ne changera évidemment rien, sauf pour les ministres qui ont changé de portefeuille ou qui ont été remerciés. Le gouvernement continuera à prendre aux plus pauvres au bénéfice des plus riches.
La condition des classes populaires risque de s'aggraver encore dans les trois ans qui viennent. Le gouvernement va peut-être s'employer à en faire le plus possible et le plus vite possible. Et malheureusement, il ne suffira pas qu'en 2007 l'électorat redonne une majorité à la gauche et la ramène au pouvoir pour que cette évolution soit inversée ou même que tout ce qui aura été fait contre les classes populaires par la droite soit annulé.
Les gens comme Huchon, Ségolène Royal et Hollande ne sont pas des défenseurs de la population laborieuse. Ils exerceront, tout comme ceux de droite, le pouvoir au nom des intérêts de la bourgeoisie.
Ils ne seront peut-être pas aussi cyniques et méprisants que les hommes de droite qui sont au pouvoir, mais on ne peut pas espérer qu'ils fassent fondamentalement autre chose. Si la droite a pu si facilement s'imposer, c'est que la gauche avait gravement déçu l'électorat populaire et que la classe ouvrière avait été démoralisée par ceux qu'elle croyait ses alliés.
Tout ce que la gauche sait faire aujourd'hui, c'est dire à Chirac qu'il n'a pas respecté le "pacte républicain du 2e tour de la Présidentielle". Mais il n'y avait pas de pacte! Chirac n'a rien demandé, rien promis et rien signé, il s'est contenté de profiter du plébiscite dont la gauche l'a fait bénéficier, pour se refaire une virginité. Parce qu'en appelant ainsi à voter pour lui, la gauche disait de fait qu'il n'était pas tout à fait un homme de droite. Il nous a montré depuis deux ans, lui et ses ministres, qu'il l'était tout à fait. Et si la gauche avait bien voulu expliquer pourquoi elle avait perdu quatre millions de voix parmi ses électeurs, Chirac aurait moins été assuré de sa puissance et moins arrogant. Il aurait été élu contre Le Pen avec les voix de la droite mais pas plébiscité par toutes les voix de gauche.
Au risque d'être considérés comme des oiseaux de mauvais augure, les militants du monde du travail que nous sommes continueront à dire la vérité sur les politiciens qui nous ont gouvernés toutes ces années.
Bien sûr, le chômage, les coups que les travailleurs ont reçus ont affaibli leurs moyens de défense. Lorsque des usines licencient, on craint pour sa place et on n'a pas envie de faire grève. Pourtant les travailleurs ne peuvent pas, ne doivent pas, dans les trois années qui viennent, se laisser faire. Il faut que nous nous défendions, il faut que nous utilisions la grève, mais pas des grèves qui restent isolées. Il faut contraindre les syndicats à prendre en compte nos revendications, nos intérêts, en cherchant à chaque fois à faire jouer la solidarité entre les travailleurs pour élargir les mouvements, en ne laissant pas les pompiers un jour, les intermittents du spectacle un autre, les cheminots un troisième etc., aller au combat sans réunir leurs forces.
Lorsqu'on ne le fait pas, nos adversaires nous divisent. Par exemple, lorsque les cheminots ou les conducteurs du métro se mettent en grève, cela gêne beaucoup de travailleurs et le gouvernement a beau jeu de dire qu'il faudrait limiter leur droit à la grève, c'est-à-dire leur droit à se défendre. Mais nous avons donc, nous, intérêt à nous défendre tous en même temps. Et si les directions syndicales ne nous le demandent pas, c'est parce qu'elles ne défendent pas vraiment nos intérêts.
Le patronat, l'État et le gouvernement font cause commune. Il faut que nous, salariés de l'État ou salariés du privé, fassions cause commune contre nos adversaires communs.
Voilà la seule chose qui peut changer notre sort. Si nous nous battons, sans attendre les élections, contre le gouvernement de la droite, si nous faisons peur et à ce gouvernement et au patronat, nous pouvons au moins arrêter son offensive, sinon le faire revenir en arrière, et nous serons alors en bien meilleure situation pour nous opposer à la gauche si elle veut suivre le même chemin qu'elle a suivi entre 1997 et 2002, ce qui lui a fait perdre quatre millions de voix sans que nous réagissions autrement.
Nous n'avons pas le choix qu'entre droite et gauche ou gauche et droite. Nous avons aussi le choix de nous défendre nous-mêmes avec d'autres armes que le bulletin de vote. C'est moins facile mais il n'y a pas d'autre espérance que celle-là.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 29 mars 2004