Medef : «Modernisation» du droit du travail version patronale24/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1860.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Medef : «Modernisation» du droit du travail version patronale

Michel de Virville, ex-secrétaire général de Renault chargé de la direction des ressources humaines, proche à la fois de Fabius, de l'archevêque de Paris et du patronat, avait à la mi-janvier établi un rapport intitulé «Pour un code du travail plus efficace», commandé par le ministre des Affaires sociales, Fillon. Il y proposait en particulier de créer un «contrat de projet», une sorte de CDD de durée plus longue que les CDD actuels.

Deux mois plus tard, le 17 mars, le Medef s'est prononcé sur ce rapport et, sans surprise, félicite de Virville: «Un travail excellent»! Mais il en rajoute, avec «44 propositions pour moderniser le code du travail». Les raisons avancées sont toujours les mêmes: il s'agit de faire en sorte que «le code du travail ne constitue pas un obstacle à la compétitivité et à la création d'emplois».

Les mesures proposées n'y vont pas par quatre chemins: un bon code du travail, pour le Medef, consiste à supprimer à peu près toute réglementation et toute législation du travail.

A propos du contrat de travail, il faudrait élargir le CDD aux activités permanentes de l'entreprise. La pratique est courante, mais le Medef voudrait la légaliser. Il propose que les CDD puissent s'enchaîner sans limitation, pour le même salarié ou sur le même poste. L'excellent «contrat de mission» de Virville, le Medef propose qu'il ne soit pas limité aux cadres et il voudrait que sa durée ne soit pas fixée: c'est l'achèvement de la mission qui en déterminerait la fin.

Concernant les salaires, il propose que le smic soit annualisé, de peur sans doute que les smicards gagnent plus que le smic -horreur! - à cause de telle ou telle prime occasionnelle. D'ailleurs le Medef préconise que le salaire minimum ne soit plus fixé par le gouvernement, mais par une «commission indépendante» (indépendante de qui? Pas des patrons, soyons-en sûrs), qui le revaloriserait «en fonction des gains de productivité réalisés par les salariés les moins qualifiés et des effets de cette revalorisation sur l'emploi». Traduit en clair: le patronat souhaite ni plus ni moins décider lui-même du salaire minimum, en fonction de critères qu'il est seul à pouvoir déterminer.

Le Medef souhaite aussi la fin de la loi fixant la durée du travail! Ce serait l'accord d'entreprise, ou à la rigueur de branche, qui devrait décider «le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, leur volume et le taux de leur majoration».

Par ailleurs, sous prétexte de simplifier, les représentants du personnel seraient remplacés par un «comité de dialogue social» élu pour quatre ans. Dialogue social: le nom sonne bien, mais peut-il y avoir un dialogue à égalité entre des patrons qui détiennent tous les pouvoirs et des «représentants» du personnel? La réponse à cette question a été donnée depuis le début du capitalisme. Ces délégués, le patron aurait encore moins à les informer et à les consulter.

Le Medef voudrait pouvoir licencier plus facilement, pour inaptitude physique, femmes enceintes et salariés protégés. Il voudrait aussi que la notion de «harcèlement moral» disparaisse du code du travail, et que les sanctions pénales ne menacent les patrons que pour des atteintes graves au droit du travail.

Cette «modernisation», qui raclerait jusqu'à l'os le code du travail, laisserait les mains libres aux patrons, sans aucune entrave légale ou réglementaire. En somme, un retour au XIXe siècle. Et ils ont le culot d'appeler cela «modernisation»!

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