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Tribune de la minorité
Après la gifle, à quand le coup de balai ?
Une bonne gifle à Raffarin et Chirac. C'est au moins ce que ce premier tour des élections régionales aura exprimé: le ras-le-bol.
Ras-le-bol des conditions de vie et de travail de plus en plus insupportables imposées par ce gouvernement et ses amis du patronat.
Ras-le-bol de leurs projets plus insupportables encore: démantèlement de la Sécurité sociale après celle des retraites; réduction des droits des travailleurs pour augmenter leur précarisation et permettre de les jeter plus facilement à la rue; nouvelles attaques contre les chômeurs alors que de nouveaux plans de licenciements vont en augmenter le nombre, etc.
Avant le vote, le gouvernement faisait mine de s'inquiéter d'un taux d'abstention grandissant. Le résultat a dû lui faire plaisir! Plus besoin de s'interroger sur la signification des abstentions, puisque quand les abstentionnistes (moins nombreux cette fois que la précédente) viennent voter, c'est pour dire clairement «y'en a marre de cette politique».
Car c'est bien cela que les électeurs ont dit en mettant dans la plupart des régions la droite derrière la gauche, voire parfois le Front national.
Bien sûr, nous aurions préféré qu'ils le disent en votant pour les listes LO-LCR. Celles-ci n'ont obtenu que 5% des suffrages. La moitié de ce que l'extrême gauche avait obtenu aux dernières présidentielles, mais le double des dernières législatives et près de 0,7% de mieux par rapport à ce qu'elle avait obtenu aux élections régionales en 1998. Elle avait eu alors plus de 20 élus. Cette fois elle n'en aura aucun. Pas parce qu'elle a perdu en nombre de voix mais grâce à un changement du mode de scrutin.
Cette magouille n'empêchera pas le FN, contre qui la nouvelle loi était faite paraît-il, d'avoir des élus. Elle ne gênera pas non plus les petits partis de droite comme de gauche. Là où ils ne se sont pas ralliés dès le premier tour, ces prétendus opposants se précipitent déjà pour le faire au second, l'UDF à l'UMP, les Verts ou le PCF au PS. Non, le seul courant que la magouille électorale aura vraiment exclu des conseils régionaux, c'est l'extrême gauche. C'est-à-dire le seul qui depuis six ans a dénoncé tous les tripatouillages et subventions en faveur des patrons et des riches et aux détriments des salariés et des pauvres.
Car c'est là le tour de passe-passe. La majeure partie de ceux qui ont voté pour la gauche, et même une partie de ceux qui ont voté pour l'extrême droite, l'ont fait pour dire qu'ils voudraient voir changer les choses. Mais ce n'est pas ce à quoi vont s'employer ceux qu'ils éliront dimanche prochain.
Pas les élus du Front national, bien sûr, dont le chef Le Pen a ses intérêts de milliardaire du côté de ses congénères et non des travailleurs assez naïfs ou inconscients pour lui apporter leur vote.
Mais pas davantage ceux du PS ou même des Verts ou du PCF. La gauche était depuis six ans à la tête de 8 régions. Où a-t-elle fait quoi que ce soit ou même proposé quoi que ce soit pour que les choses changent? Il est vrai que pendant vingt ans elle a été à la présidence de la République, disposé d'une majorité à l'assemblée nationale ou dirigé le gouvernement (et souvent des trois à la fois). Et pendant tout ce temps le sort des couches populaires n'a fait qu'empirer. Alors, que demain elle soit ou pas à la tête d'une région de plus ou de moins...
Oui, la gifle reçue par la droite dimanche dernier nous réjouit fort. Mais pour donner à ce gouvernement (ou à celui qui pourrait lui succéder) le coup décisif, il faudra bien autre chose qu'un succès électoral même incontestable de la gauche. Il faudra que tous, salariés et chômeurs, retraités et jeunes, tous ceux attaqués par un biais ou par un autre, se décident à riposter eux-mêmes et tous ensemble.
La magouille électorale a fait en sorte que le programme défendant les intérêts du monde du travail, celui de l'extrême gauche, ne sera plus défendu dans les conseils régionaux. Tant pis. Ce qui sera décisif c'est qu'il le soit dans la rue et dans les entreprises, par les manifestations, par les grèves, par les luttes. Pas par quelques députés, même de bonne volonté, mais par des millions de travailleurs. C'est notre vie même qui en dépend.
Editorial des bulletins d'entreprises «l'Etincelle» de la minorité du lundi 22 mars 2004