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La revalorisation de l'apprentissage : Un progrès à reculons
L'apprentissage, solution miracle contre le chômage des jeunes? C'est ce qu'on serait tenté de croire, à entendre les multiples déclarations du gouvernement, auxquelles font écho dans un bel ensemble tant les responsables de gauche que ceux du Front National. Et Renaud Dutreil, secrétaire d'État aux petites et moyennes entreprises, vient de présenter son plan pour "revaloriser" l'apprentissage, plan qui devrait déboucher sur une prochaine "loi de mobilisation pour l'emploi".
"Il ne doit plus y avoir de jeunes sans métier ni de métier sans jeunes": c'est par cette belle formule que Renaud Dutreil a ponctué ses propositions. A première vue, son équation paraît simple: d'un côté, 150000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. De l'autre, certains métiers, comme la mécanique, le bâtiment, l'hôtellerie et la restauration, peinent paraît-il à recruter de la main-d'oeuvre. Alors, pourquoi ne pas caser les uns chez les autres?
Ce raisonnement cache pourtant bien des sous-entendus. L'apprentissage, c'est avant tout la mise à disposition des patrons d'une main-d'oeuvre à très bon marché, à qui, sous couvert de formation professionnelle, on fait souvent faire les tâches les plus ingrates... et les moins formatrices. Accessoirement, les charges sociales correspondant au salaire pourtant maigre des apprentis sont payées par l'État, tandis que les conseils régionaux, eux, subventionnent la partie scolaire des formations, qui sont le plus souvent sous le contrôle direct des associations patronales.
Pour les employeurs, l'apprentissage est donc d'abord et avant tout une bonne affaire. Pour les jeunes, il est la plupart du temps synonyme d'une formation générale au rabais et d'un travail peu qualifiant et sous-payé.
L'accession aux études générales de jeunes de plus en plus nombreux au cours du temps a évidemment été un progrès à tous égards. Et même du strict point de vue de la recherche d'un emploi, c'est la culture générale qui reste le meilleur gage de la liberté de choix et de possibles réorientations.
On entend pourtant sans arrêt prétendre que s'il y a du chômage, ce serait en raison de l'insuffisante formation de la main-d'oeuvre. Comme si celle-ci pouvait résoudre le problème du nombre insuffisant d'emplois offerts! Il y a trente ans, la main-d'oeuvre était bien moins formée qu'aujourd'hui, et on connaissait pourtant le plein emploi. Mais alors, le patronat avait moins les coudées franches qu'aujourd'hui, et il était obligé de supporter une plus large part des coûts de formation de ses salariés, en particulier des jeunes.
La promotion actuelle de la formation professionnelle par les pouvoirs publics, et en particulier celle de l'apprentissage, sous couvert de lutte contre l'échec scolaire et contre le chômage, est une fumisterie porteuse d'un véritable recul.
Si l'échec scolaire préoccupait réellement nos ministres, ils n'auraient qu'à embaucher des enseignants, au lieu de supprimer des postes par milliers. Quant à la pénurie de main-d'oeuvre dans les secteurs déficitaires, gageons que si les patrons y offraient des conditions de travail convenables et des salaires décents, elle disparaîtrait aussitôt.
Mais évidemment, le gouvernement préfère des solutions qui mettent au service des employeurs de l'argent public et de la main-d'oeuvre bon marché, et qui font de plus en plus supporter les coûts de la formation professionnelle par la collectivité au détriment de l'école publique.