Grèce : Le Parti Socialiste a préparé le retour de la droite11/03/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/03/une1858.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grèce : Le Parti Socialiste a préparé le retour de la droite

En Grèce les élections législatives du 7 mars se sont soldées par une victoire de la droite conservatrice, la Nouvelle Démocratie. Celle-ci a obtenu 45,37% des suffrages, en progression de 2,58 points. Le Pasok (Parti Socialiste) n'a obtenu, de son côté, que 40,55% des voix, soit un recul de 3,23 points. Quant au KKE (le PC), il se maintient avec 5,89% des suffrages (+ 0,36%).

Au total les partis de droite et d'extrême droite demeurent minoritaires avec 48,5% des suffrages, mais, en raison du système électoral, aussi peu démocratique en Grèce qu'en France et qui favorise le parti arrivé en tête, la Nouvelle Démocratie va disposer de la majorité absolue dans le nouveau Parlement (165 sièges sur 300) et son leader, Costas Caramanlis, neveu d'un ancien président de la République, va accéder au poste de Premier ministre.

Ainsi, même si son érosion électorale reste relativement limitée, c'est bien une défaite pour le Pasok, dont le Premier ministre socialiste sortant, Costas Simitis, avait d'ailleurs annoncé, en janvier, qu'il ne se représenterait pas et avait passé le relais à Georges Papandréou. Plus populaire et moins discrédité, ce dernier comptait profiter de l'aura de son père, fondateur du Pasok juste après la chute de la dictature des colonels en 1974. Mais cela n'a pas suffi.

Car le Pasok a gouverné la Grèce de 1981 jusqu'à 2004, à part une courte période, entre 1990 et 1993, où la Nouvelle Démocratie a occupé les fonctions gouvernementales. Et pendant toutes ces années, il a mené une politique favorable aux intérêts du patronat. En une vingtaine d'années la Grèce, qui accusait un retard important par rapport aux pays d'Europe occidentale, s'est certes modernisée, un certain nombre d'infrastructures de transports, d'équipements scolaires ou hospitaliers ont été réalisés. Mais c'est essentiellement la bourgeoisie, grande et petite, qui s'est enrichie en jouant sur deux tableaux.

Elle a d'abord largement profité des milliards d'euros de subventions de la Communauté européenne pour "moderniser" le pays, puis pour réaliser les infrastructures nécessaires aux Jeux Olympiques qui auront lieu l'été prochain à Athènes. Mais elle a aussi accru l'exploitation de la classe ouvrière. Le chômage a augmenté. Il est aujourd'hui officiellement de 9,9%, mais en réalité beaucoup plus élevé car de nombreux demandeurs d'emploi non indemnisés ne s'inscrivent plus. Et le patronat a aussi profité de l'arrivée d'une population pauvre qui a fui les guerres et la misère dans lesquelles se sont enfoncés les Balkans, de l'ex-Yougoslavie à l'Albanie, au cours des années 1990. De nombreux petits patrons et artisans font travailler au noir ces travailleurs immigrés, légaux ou clandestins, en les sous-payant, ce qui contribue à faire pression sur l'ensemble des salaires.

Résultat: dans ce petit pays de 11 millions d'habitants, 21% de la population vit encore aujourd'hui au-dessous du seuil de pauvreté. La Grèce est, après le Portugal, le pays le plus pauvre de la Communauté européenne actuelle avant son prochain élargissement. Et cela est visible dans la capitale, sans même parler des campagnes. Dans le métro, on peut croiser des paysannes âgées qui mendient pour pallier leurs retraites de misère ou encore des vendeurs qui vendent des objets à l'unité comme des paquets de mouchoirs jetables. Pour boucler les fins de mois, de nombreux travailleurs ont un second emploi. Le travail intérimaire, peu développé il y a encore quelques années, est en pleine expansion. Et le trust Adecco multiplie ses agences à Athènes.

La concentration des entreprises s'est accrue dans de nombreux secteurs. En 1987, il y avait encore une quarantaine de banques différentes mais, fin 2002, il n'en restait que cinq. Ces fusions se sont traduites par des milliers de suppressions d'emplois. Mais les profits ainsi engrangés ont permis aux banques grecques de s'implanter dans les autres pays des Balkans.

En 1991, 60% de l'industrie et des services étaient nationalisés. Depuis, la droite, lors de son bref passage aux affaires, puis le Pasok ont privatisé de très nombreuses entreprises, dont des services essentiels à la population. Cela a été le cas de la compagnie publique de téléphone OTE, des ports du Pirée et de Thessalonique, de la compagnie pétrolière, de la compagnie aérienne Olympic Airways. En 2002, le gouvernement a considéré comme indispensable de privatiser la compagnie des eaux de Thessalonique. Cela a été tout bénéfice pour les investisseurs puisque, en peu de temps, le prix des actions a doublé. Mais cela n'a guère résolu le problème des habitants, car il est de notoriété publique que les canalisations de cette ville d'un million d'habitants sont fort vétustes, ce qui entraîne de nombreuses fuites. En 2004, d'autres privatisations sont programmées dont celle de la poste, ELTA. Une première étape de la privatisation d'ELTA a eu lieu en 2003. La Poste française a acquis 15% de ELTA et 50% de sa filiale de messagerie. L'objectif affiché, c'est la rentabilité au détriment du service public.

En 2002, le gouvernement "socialiste" a imposé une réforme des retraites. L'âge de départ, qui était à 50 ans pour les femmes et à 60 ans pour les hommes est passé à 65 ans pour tous. Voilà comment Costas Simitis résumait, il y a quelques mois, la période où il a occupé ses fonctions de Premier ministre: "Les efforts et les sacrifices du peuple grec ont porté leurs fruits, et les efforts doivent se poursuivre pour répondre aux exigences du progrès." Nul doute que la droite, de retour au gouvernement, va poursuivre cette politique antiouvrière. Mais si les travailleurs grecs n'ont rien à attendre d'un homme de la Nouvelle Démocratie, ils n'ont pas non plus à regretter l'ère du Pasok. L'avenir dépendra avant tout de leur capacité à se défendre. Et ils ont déjà montré, à plusieurs reprises dans le passé, qu'ils étaient capables de repousser les mauvais coups des gouvernements en place.

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