Les médias se sont largement fait l'écho de la visite rendue par le président israélien, Moshe Katzav, à Chirac, la première visite d'un président israélien depuis quinze ans.

Le consensus a baigné cette rencontre, Chirac exprimant sa «détermination sans faille» à combattre l'antisémitisme, le dirigeant israélien le remerciant de son «approche sur ce thème particulièrement douloureux», même s'il est évident que le dirigeant israélien pas plus que son homologue français ne croient à une réelle poussée de l'antisémitisme en France. Mais c'est de bonne guerre. Pour Chirac, de telles déclarations sont l'occasion de se concilier la sympathie de l'électorat juif qui serait, paraît-il, inquiet et puis c'est surtout le moyen de montrer au représentant israélien qu'il n'est pas question de se brouiller avec son pays. Il faut ménager les relations économiques que la France entretient avec Israël et qui pourraient se développer à l'avenir...

Ces déclarations n'ont d'ailleurs pas empêché Chirac d'exprimer, quelques jours avant la visite de Moshe Katsav, ses réserves sur le Mur que construit l'État israélien depuis juillet 2002, parce que celui-ci ne serait «pas conforme au droit international». Avec ce Mur, deux cent mille Palestiniens et cinquante cinq villages vont se retrouver isolés de leurs terres et poussés à l'exil, Jésuralem-Est sera totalement séparé du reste de la Cisjordanie et la viabilité d'un État palestinien dans de telles conditions est complètement compromise. Mais si Chirac fait mine de dénoncer cette situation, ce n'est pas parce qu'il se sent touché par le sort du peuple palestinien. Pas plus qu'il ne s'est jamais senti touché par la situation du peuple irakien l'année dernière.

Chirac veut se poser en partisan et même en artisan de la paix aux yeux de l'opinion publique, pas seulement en France mais aussi dans de nombreux pays, notamment dans le Tiers-Monde et en particulier dans le monde arabe. Il y a tout juste un an, il s'est taillé une place de champion de la paix, quand a éclaté la guerre en Irak, en se présentant comme un chef d'État résolu, dans le camp européen, à refuser les diktats de l'impérialisme américain. En réalité, le choix des dirigeants français de ne pas faire la guerre en Irak dérivait d'un calcul dans lequel n'intervenaient pas plus les intérêts du peuple irakien que ceux des peuples palestinien et arabes. Chirac a seulement jugé que l'impérialisme français avait plus à gagner à ne pas participer à une guerre décidée d'emblée par les États-Unis et qu'il valait mieux pour la bourgeoisie française ne pas se lancer dans une telle aventure dont elle serait loin de tirer les bénéfices exclusifs.

Les réelles motivations de Chirac sont à chercher au-delà de ses démonstrations à l'usage de la galerie, qui ne sont pas nouvelles. Ainsi, en février 2002, lors d'un sommet africain, il s'était enflammé en déclarant qu'il n'était «pas moralement acceptable» que le fossé continue de se creuser entre les pays riches et les pays pauvres et s'était indigné de ce que les pays riches aient «délaissé» l'Afrique! Il faut oser, lorsqu'on représente un impérialisme ayant bâti sa richesse sur le pillage du continent africain! L'impérialisme français a toujours considéré l'Afrique comme son pré carré et n'a jamais hésité à porter secours aux dictatures les plus réactionnaires et les plus sanglantes. La France a fait intervenir ses troupes au Tchad, au Zaïre; elle a armé le bras des assassins en 1994 au Rwanda, porte une grande part de responsabilité dans ce véritable génocide qui a fait plus de huit cent mille morts. Aujourd'hui, l'armée française vient prêter main-forte au dictateur Laurent Gbagbo, en Côte-d'Ivoire, qui par sa démagogie ethniste sur «l'ivoirité» a contribué à plonger le pays dans la guerre civile!

Chirac joue au prédicateur pacifiste pour donner une certaine image de la France, d'autant plus facilement que cela ne l'engage à rien. Quelques paroles à l'adresse de l'opinion arabe, quelques autres à l'adresse d'Israël, quelques déclarations démagogiques sur l'Afrique ne sont que le meilleur moyen pour ce bonimenteur de défendre les intérêts et les calculs des trusts français, tout aussi avides que les autres quand il s'agit de dépouiller les peuples de la planète.