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Leur société
La dette de l'État : Creusée par les cadeaux faits aux riches
Depuis des années, l'État français n'arrive plus à boucler son budget. Cette année, le déficit, prévu initialement de 55 milliards d'euros dans le projet de budget, va atteindre un montant record de 57 milliards. Le paiement de la dette publique, c'est-à-dire les intérêts à verser pour les emprunts, se monte à 13,9% du budget, devançant les crédits alloués au ministère du Travail, de la Santé et de la Solidarité.
Le gouvernement met en avant ce déficit budgétaire pour justifier sa politique d'économies avec, argument suprême, que Bruxelles n'accepte pas un déficit supérieur à 3% du PIB (produit intérieur brut). Tous les fonctionnaires partant en retraite dans les prochaines années ne seront pas remplacés, a-t-il annoncé l'an dernier; il y a trop d'enseignants pour le nombre d'élèves, il faut supprimer du personnel et fermer des classes: on ne peut pas augmenter les salaires dans la Fonction publique au-delà de 0,5%; la santé, ça coûte trop cher; les aides aux chômeurs, aux handicapés, aux personnes âgées, trop cher aussi, tout comme l'entretien et la rénovation des transports en commun.
Passons sur le fait que la France, loin d'être un pays pauvre sans ressources, fait partie du peloton de tête des puissances mondiales, produisant suffisamment de richesses pour permettre à chacun de vivre correctement. Et pourtant, on assiste à une dégradation rapide des services publics et un appauvrissement d'une part toujours plus grande de la population. Où passe donc l'argent de l'État, pour qu'il affiche un tel déficit?
Eh bien, il passe d'abord en grande partie en une augmentation du budget militaire, qui connaît la plus forte hausse enregistrée depuis dix ans, et dont vont bénéficier les actionnaires de Matra, Dassault ou EADS, qui produisent ce coûteux matériel. Mais surtout, l'État distribue généreusement l'argent public à la partie la plus riche de la population, au détriment des plus pauvres, sous forme d'aides et de subventions.
La baisse des impôts sur le revenu de 3% occasionne un manque à gagner pour le gouvernement de 1,8 milliard d'euros. Or, cette baisse va profiter essentiellement aux hauts revenus et non à ceux qui, ayant un salaire ou des retraites trop faibles, sont exonérés de l'impôt sur le revenu. De plus, plusieurs lois ont été votées pour occasionner des baisses d'impôts ciblées: la loi Dutreil qui avantage les propriétaires, la loi sur le mécénat, qui permet de déduire 60% de la valeur des dons de ses impôts (150 millions d'euros de manque à gagner), cadeaux fiscaux pour qui investit dans les DOM-TOM, baisse des taxations des plus-values immobilières, profitant aux spéculateurs de l'immobilier, etc. En tout, il existe plus de quatre cents moyens légaux offrant un avantage fiscal aux nantis. A cause de ces déductions, réductions, exonérations ou autres arrangements fiscaux, qui ne profitent qu'aux possédants, l'État renoncerait ainsi chaque année à 40 milliards de recettes.
A cela s'ajoutent toutes les aides ou subventions versées directement aux entreprises -c'est-à-dire aux actionnaires qui possèdent le capital de ces entreprises- à titre "d'encouragement au travail et à l'emploi"! Le chômage a grimpé en flèche depuis deux ans, atteignant lui aussi un taux record de 9,7% (voilà pour "l'encouragement à l'emploi"), mais les entreprises ont néanmoins empoché des aides ou des baisses de charges, à commencer par celles de cotisations sociales, dites "allégements Fillon". Coût de l'opération: 7,5 milliards d'euros pour 2003, et le double en 2004. La baisse de la taxe professionnelle coûte, elle, 1,5 milliard d'euros.
Et puis, il y a l'argent versé directement aux entreprises, à titre "d'encouragement au travail et à l'emploi", ce qui ne les a pas empêchées de procéder ensuite à des licenciements massifs. Pour ne citer que deux exemples: Daewoo, 56 millions d'euros empochés, près de 500 travailleurs licenciés à Longwy; Moulinex, 50 millions de subventions perçues en 1997, 3250 emplois supprimés en Normandie.
Le déficit de l'État est donc avant tout une question de choix. Ce gouvernement, plus encore que les précédents, choisit de donner aux plus riches; il multiplie les cadeaux aux possédants et, comme il faut bien trouver l'argent quelque part, il le prend d'une part à l'ensemble de la population travailleuse dont le niveau de vie se dégrade, et d'autre part, en augmentant sa dette. Et là encore, on demande aux plus pauvres d'en payer les intérêts.