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Leur société
Parmalat, Adecco, Vivendi Universal... le monde des affaires opaque par nature
Lorsqu'il y a maintenant deux ans, l'affaire Enron éclata aux USA, cela fit certes grand bruit mais les oracles de la Bourse et des milieux financiers essayèrent de nous rassurer en expliquant que c'était en quelque sorte une «bavure», dans un monde des affaires bien gendarmé par des réglements, des organismes de surveillance, un cadre légal, qui rendaient d'autres dérapages difficiles, voire quasiment impossibles. Ils ajoutaient que jamais, au grand jamais, une telle chose ne pouvait se produire en Europe.
Manque de chance pour ces augures, les affaires ont franchi l'Atlantique et touchent le vieux continent. Et pour ne citer que le plus récent, et non des moindres, il y a désormais l'affaire Parmalat, en Italie. Et on évoque maintenant la possibilité d'une affaire qui pourrait toucher ce sanctuaire de l'argent qu'est la Suisse, l'affaire Adecco, première entreprise mondiale de travail intérimaire.
Eh oui, cette épidémie de malversations, de comptabilités truquées, de placements opaques échappant à tout contrôle, de transferts dans des paradis fiscaux, est bien plus étendue que ne le prétendent les laudateurs de l'économie de marché.
Ils nous expliquaient qu'il existait tant d'organismes pour surveiller les opérations boursières, par exemple la COB (commission des opérations en Bourse) pour Paris ou la SEC pour Wall Street à New York, tant de dispositions réglementaires pour assurer la transparence des comptes et des opérations commerciales et financières des entreprises, que les dérapages ne pouvaient être que des exceptions, dont les auteurs ne seraient que quelques brebis galeuses infiltrées dans le monde d'agneaux de la finance et des affaires.
Il y a deux ans, Eric Le Boucher, chroniqueur économique du quotidien Le Monde, faisait sentencieusement le procès d'Arlette Laguiller qui avait l'outrecuidance de réclamer la publicité, auprès de la population, des comptes des entreprises: «Que la candidate de LO haïsse la Bourse», écrivait ce spécialiste, «c'est certain, mais comme ex-salariée du Crédit Lyonnais, elle devrait connaître la loi première: les comptes des grandes entreprises cotées (les grandes, celles que vise Mme Laguiller) sont publiés tous les trimestres, en grand détail, à destination des actionnaires. La revendication alimente sûrement le beau fantasme de patrons qui, en secret, exploitent les travailleurs. Ils les exploitent, sans doute, mais dans la lumière en tout cas, des charges et des bénéfices» (Le Monde du 13 avril 2002). Il est vrai que cette prose venimeuse paraissait une semaine avant l'élection présidentielle de 2002.
Depuis, Eric Le Boucher n'a pu ignorer l'affaire Enron, celle de Parmalat et quelques autres de moindre renom mais de la même eau ni le rôle d'un Jean-Marie Messier, à la tête de Vivendi Universal, ou celui d'un François Pinault dans l'affaire Executive Life.
Force lui est de conclure que la transparence financière est loin d'être la règle et que les instruments que les boursiers et les hommes d'affaires mettent en place pour s'autocontrôler sont bien moins efficaces que les radars que Sarkozy installe au bord des autoroutes.
Mais il n'en démord pas. Dans Le Monde du 12 janvier 2004, traitant de l'affaire Parmalat et de quelques autres qui défraient la chronique, il admet que le capitalisme «pousse au crime» mais corrige son propos en poursuivant que «toutes les entreprises ne tombent pas dans la délinquance». Voire!
Certes, toutes ne transgressent pas des lois qui sont surtout faites -disons-le en passant- pour protéger leurs gros actionnaires, sans se soucier de la protection des usagers, des clients et des travailleurs.
En revanche, ce qu'il ne dit pas, c'est que tout le système capitaliste repose sur une escroquerie fondamentale, qui consiste à s'approprier une majeure partie du fruit du travail des salariés; sans même parler des escroqueries auxquelles les affairistes et les spéculateurs se livrent entre eux, en se dépouillant mutuellement, au détriment de tel ou tel concurrent.