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Serbie-Monténégro (ex-Yougoslavie) : - Retour de bâton électoral
Trois ans après son éviction du pouvoir, l'ancien président de sinistre mémoire Slobodan Milosevic vient d'être élu député de Serbie. Cela, alors qu'il est emprisonné aux Pays-Bas où le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye le juge pour "génocide" et "crimes contre l'Humanité" commis lors des guerres qui ont ensanglanté la Yougoslavie après son éclatement, en juin 1991.
Trois autres détenus du TPI ont aussi été élus, dont Vojislav Seselj, le premier à avoir parlé en public "d'épuration ethnique", ce à quoi s'employèrent ses milices dans des guerres des années quatre-vingt-dix, en Croatie, puis au Kosovo. Chantre de la "Grande Serbie", populiste d'extrême droite, Seselj a remporté ces élections, son parti radical, le SRS, devenant le premier du Parlement serbe avec 27,7% des voix.
Entre politiciens nationalistes...
Certes, il est peu probable qu'il parvienne dans l'immédiat aux affaires, les partis formant le gouvernement actuel, largement battus et divisés, ayant intérêt à se rabibocher pour reconstituer une coalition gouvernementale.
Depuis 1991 qu'il existe, le SRS n'a pratiquement pas cessé de hanter les couloirs du pouvoir. D'abord aux côtés de Milosevic, puis en étant de ceux qui provoquèrent sa chute, après les bombardements de l'OTAN sur la Yougoslavie du printemps 1999, quand les dirigeants du pays choisirent de se débarrasser d'un Milosevic dévalorisé aux yeux des grandes puissances occidentales. Et opposer, comme le fait toute une partie de la presse d'ici, les nationalistes à la Seselj ou façon Milosevic aux partis actuellement au gouvernement, présentés comme "démocratiques", est une véritable escroquerie. Tous ces partis jouent de la corde nationaliste depuis des années, d'une façon ou d'une autre, y compris celui de l'ancien président yougoslave, dit "modéré", Kostunica, qui vient de mener campagne sur les "valeurs éternelles" de la Serbie.
Mais sur ce terrain, le seul offert -si l'on peut dire- à l'électorat, les prétendus partis démocratiques avaient l'énorme handicap d'avoir été au gouvernement depuis la chute de Milosevic et, aux yeux de la population, "d'avoir conduit le pays à sa perte depuis 2000". L'avis est d'un expert, puisqu'il émane de Kostunica qui, après avoir été porté à la présidence par une coalition des partis dits "démocratiques", a tenté de se démarquer du gouvernement à partir de 2002 en cessant de le soutenir. D'autres politiciens et partis aux affaires ont fait de même, s'accusant mutuellement de corruption et de trafics en tout genre, tels ceux que couvrait le Premier ministre Djindjic, dandy mafieux et coqueluche de l'Occident, assassiné en mars 2003 par des hommes de ses propres services secrets.
... tous contre la population
Car, depuis que ces gens ont pris la place de Milosevic, la plupart n'ont songé qu'à s'enrichir au plus vite, sinon au grand jour. Pendant ce temps, le gouvernement menait tambour battant les privatisations, puisque c'était les "réformes" que demandaient les institutions du monde dit libre et que certains y trouvaient à s'en mettre plein les poches. Mais, bien sûr, pas les travailleurs dont l'actuel ministre des Finances ose dire que leur sort se serait amélioré alors que, officiellement, 32% de la population est au chômage, que l'inflation reste forte et que le salaire moyen (de qui a un emploi) serait de 180 euros. Sans oublier la quasi-disparition des services publics les plus élémentaires, la production industrielle qui a encore reculé en 2003 ou l'agriculture qui n'arrive plus à faire vivre les habitants des campagnes.
En novembre, déjà, le remplaçant de Seselj à la tête du SRS avait bénéficié du désenchantement de la population, à laquelle on avait promis monts et merveilles après l'éviction de Milosevic. Cela lui avait permis de l'emporter au scrutin présidentiel bien que son élection n'ait pas été validée, faute d'un quorum suffisant. En un mois, la situation n'a guère changé sauf que, cette fois, les électeurs se sont déplacés en nombre pour sanctionner les partis au pouvoir. Mais ils l'ont fait de la pire façon qui soit pour eux, en soutenant d'autres fripouilles qui voudraient leur faire oublier leurs malheurs en les soûlant de fumée, d'appels à la vengeance contre les peuples de la région, contre leurs voisins même au Kosovo, où durant des dizaines d'années le titisme avait assuré au moins une certaine cohabitation des peuples.
La responsabilité de l'Occident
Dans cela, l'Occident et particulièrement les États d'Europe de l'Ouest ont une bonne part de responsabilité. Eux, qui avaient soutenu pendant des années le sanglant Milosevic parce qu'il imposait un certain ordre dans la région, ont, en bombardant la Yougoslavie en 1999, puni d'abord les victimes civiles de ce régime infâme: les Serbes et aussi les albanophones du Kosovo. Car c'est l'OTAN qui a, alors, fourni un prétexte aux Seselj, Milosevic (et à d'autres, toujours au pouvoir à Belgrade, que l'Occident soutient aujourd'hui) pour redoubler d'ardeur dans leur sanglante "épuration ethnique" au Kosovo. Ce sont les mêmes autorités occidentales qui, après avoir établi leur protectorat à durée indéterminée sur le Kosovo, y laissent maintenant, ignoble retour des choses, des Kosovars terroriser les minorités serbe et tzigane qui y vivent depuis des siècles. Et c'est Javier Solana, secrétaire général de l'OTAN durant la guerre contre la Yougoslavie et actuel "monsieur Affaires étrangères" de l'Union européenne, qui, juste avant le scrutin législatif, est venu dire à Belgrade tout le bien qu'il pensait de ce gouvernement honni de la population. Le même a ajouté, pour faire bonne mesure, que l'Union européenne maintiendrait la Serbie dans l'isolement si elle ne poursuivait pas à marche forcée sur le chemin de "réformes"... dont la population est la première victime.
L'Occident "démocratique" peut juger pour la galerie les Milosevic et autres Seselj, après les avoir tolérés et soutenus. En même temps, par toute sa politique, il ajoute son propre fumier à celui qu'a produit la décomposition de la Yougoslavie, sur lequel prospèrent les pires démagogues, ennemis des peuples, et d'abord du leur.