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Iran : Le séisme n'est pas seul responsable de la catastrophe
Il aura suffi de quelques secondes pour qu'un tremblement de terre raye pratiquement de la carte Bam, une ville de 100000 habitants située au sud-est de l'Iran. Comme l'ont montré les impressionnantes images des télévisions, plus de 75% des habitations ont été détruites et la région est devenue un gigantesque champ de ruines. Quant au bilan humain, il est d'autant plus lourd qu'en s'effondrant, ces constructions, pour la plupart en briques ou en pisé, n'ont laissé aucune chance de survie aux victimes ensevelies.
Les autorités locales ont fait état de 25000 morts, mais le bilan de cette catastrophe ne cesse de s'alourdir compte tenu des dizaines de milliers de blessés graves. En outre, dans cette région désormais privée d'eau potable, d'électricité et d'abris, alors que le froid est glacial, les conditions sanitaires font craindre l'apparition d'épidémies.
Les conséquences de ce phénomène naturel n'auraient jamais dû atteindre une telle ampleur. De par sa situation au contact de plusieurs plaques tectoniques, l'Iran est l'un des pays les plus exposés aux risques sismiques de la planète. Rien que depuis septembre 1978, où 15000 personnes trouvèrent la mort dans la ville de Tabas et ses alentours, huit tremblements de terre s'y sont succédé, la pire catastrophe remontant à juin 1990 où un séisme tua 35000 personnes dans les provinces de Gilan et Zanjan.
On peut donc accuser l'État iranien de n'avoir tiré aucune leçon des précédents séismes qui ont secoué cette région, laissant construire de manière anarchique et selon les méthodes ancestrales, au lieu d'imposer le respect de méthodes de construction antisismiques efficaces. Le fait que des bâtiments administratifs ainsi que deux des trois hôpitaux de la ville se sont effondrés comme le reste des habitations en est la preuve. La corruption du régime actuel, comme celle de ses prédécesseurs, a sans doute une part de responsabilité dans l'ampleur de la catastrophe. Mais pas seulement.
Face à l'ampleur du désastre, les autorités iraniennes ont dû s'empresser de réclamer l'aide internationale. Les énormes ressources en gaz et en pétrole du pays ont contribué à enrichir les grandes compagnies anglo-américaines et les classes dirigeantes iraniennes, civiles ou religieuses, mais la majorité de la population n'a pas profité de cette richesse, et l'Iran demeure un pays sous-équipé et sous-développé. En s'abattant sur une population dont 50% des membres vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté, sur une région sous-équipée en voies de communication, ce tremblement de terre qui n'avait pas une intensité exceptionnelle ne pouvait que prendre la dimension d'une gigantesque catastrophe.
À cette occasion, la presse a évoqué un "élan de solidarité internationale", avec le déploiement d'une vingtaine d'équipes de secouristes de nationalités différentes. Non sans souligner le manque de coordination dont elles sont victimes. Les grandes puissances qui participent aux secours ont souvent fait la démonstration qu'elles savent mieux coordonner leurs activités quand il s'agit d'une intervention militaire que lorsqu'elle est "seulement" humanitaire. Mais surtout, les moyens qu'elles ont déployés sont loin d'être à la hauteur des besoins de la population et de l'urgence alors que les pays concernés, notamment la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la Turquie, pourraient tout à fait les mettre en oeuvre, si leur gouvernement en avait la volonté. Les États-Unis, dont tout le monde a relevé la participation, ne disposent-ils pas à proximité immédiate de l'Iran de tout le matériel et de la logistique nécessaires? Pour occuper l'Irak, pays voisin de l'Iran, n'ont-ils pas acheminé, outre des tonnes de matériel de guerre, les engins de terrassement, les matériaux de construction, les installations sanitaires et toute la nourriture nécessaires à la vie de centaines de milliers de soldats, souvent en plein désert?
Ce qui se passe en Iran est à l'image de cette société dans laquelle les États sont prêts à faire beaucoup plus pour imposer, y compris par la force, leur volonté aux populations du globe, que pour leur venir en aide lorsque c'est nécessaire.