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Dans le monde
Russie : Le parvenu et la «démocratie» russe
La presse occidentale a fait des gorges chaudes des élections russes. Elle a rapporté les déclarations des observateurs de l'Union européenne faisant état, par un étrange euphémisme, «d'élections libres mais pas justes». C'est le moins qu'on puisse dire.
Ainsi, des candidats déplaisant au Kremlin ont été mis hors course avant le scrutin par la commission centrale électorale du... Kremlin. La loi sur la presse et les menaces qu'elle fait peser sur les médias indépendants ont brisé net les velléités de ceux qui auraient voulu soutenir d'autres listes que celle du pouvoir. La télévision publique, unique source d'information pour la majorité des 110 millions d'électeurs dispersés dans une Russie vaste comme un continent, a systématiquement avantagé le parti présidentiel et dénigré son principal concurrent, le KPRF. En prime, les candidats officiels, menés par le ministre de l'Intérieur en personne, ont disposé des «ressources administratives», en clair, des fonds et moyens de l'appareil d'État central.
Il n'en reste pas moins que l'indignation dont certains font preuve, ici, surtout s'agissant des médias, est tout ce qu'il y a de plus hypocrite.
En une dizaine d'années de conseils assidus des maîtres occidentaux ès-démocratie, les dirigeants russes n'ont certes pas assimilé toutes les «finesses» du métier, tel qu'il se pratique en Europe de l'Ouest ou en Amérique. Les médias, ils les musellent, et ceux qui sont à leur botte ont seuls la parole pour «fabriquer» une élection au goût du pouvoir.
Mais que font d'autre, finalement, ceux qui, en Europe ou en Amérique, contrôlent les grands journaux, la radio, les chaînes de télévision, qu'ils soient dits publics et aux mains des gouvernements, ou qu'ils soient privés et dans celles des Bouygues, Murdoch et autres, bref de grands capitalistes?
Ces magnats de la finance, des affaires et leurs alliés au pouvoir imposent leur voix, leur opinion à la population. Et pas seulement ainsi. Il n'est que de voir comment, aux USA, les majors pétrolières et autres trusts «font» un président, et d'abord font qu'un candidat ne peut être élu sans qu'ils aient investi sur lui des dizaines, des centaines de millions de dollars. Et faut-il rappeler qu'en Europe, pour être moins étalées sauf à l'occasion de scandales, des sommes également formidables circulent des grands groupes industriels et financiers vers les partis, les hommes politiques les mieux susceptibles de les servir, des partis et des politiciens dont l'élection et la réélection sont ainsi assurées par les possédants?
Certes, deux siècles de domination de la bourgeoisie en Occident ont appris à cette classe, et à ses représentants politiques, l'art de manier la démocratie avec le maximum d'efficacité -quand ils n'ont pas besoin de recourir à des méthodes plus violentes- sans que transparaisse trop la dictature des possédants et de leurs larbins sur la société.
Un des moyens dont ils usent avec le plus de succès est celui qui consiste à laisser le choix aux travailleurs et au reste de la population entre deux ou trois partis qui, en fait, représentent également les intérêts des possédants. Quand l'un est trop discrédité, un autre le remplace «démocratiquement» sans que cela affecte le moins du monde la domination des bourgeois.
En Russie, un tel choix existe en théorie mais pas, ou pas encore, en pratique. Car c'est un «luxe» dont les privilégiés locaux, la bureaucratie et les nouveaux riches dans son sillage, se passent fort bien, le seul sans doute. Sur le fond, cela ne change pas grand-chose pour la population. Mais sur la forme, cela choque apparemment certains organes de presse d'ici qui, pas plus gênés que cela par ce que le régime russe impose à sa population, préféreraient qu'un Poutine sache mieux le masquer en adoptant les «bonnes manières» d'un Bush, d'un Chirac et de leurs pareils.