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Leur société
Arles : «Après moi le déluge», la devise de certains patrons
Le Rhône en crue après les pluies diluviennes de la première semaine de décembre a passé les digues et a inondé les zones basses de la ville d'Arles et d'immenses espaces de la Camargue. Lundi 1er et mardi 2 décembre la zone avait déjà été inondée par les pluies torrentielles et, à partir de jeudi, c'était la catastrophe.
15000 personnes habitent la zone industrielle Nord d'Arles qui est inondée. Les habitations individuelles y sont très modestes, souvent construites par leurs propriétaires eux-mêmes en y mettant toutes leurs économies. Les cités de cette zone sont aussi plutôt pauvres.
2500 salariés travaillent dans cette zone qui comprend 350 entreprises, Kiabi, RCL, les CMP (Constructions métalliques de préfabrication), un centre Leclerc, des concessionnaires automobiles, Testaert qui fournit Bouygues, etc.
En amont d'Arles, l'eau du Rhône est entrée par des passages routiers établis sous les voies de chemin de fer, des «trémies», dont l'entretien est du ressort, semble-t-il, de la SNCF. Mais rien n'a été fait par la SNCF pour boucher ces trémies et l'eau s'est étalée dans la zone.
Il n'y a plus de rues mais des canaux sur lesquels on circule en barque. La voie de chemin de fer étant inondée, le petit train des Alpilles, dont la voie est plus élevée, a repris du service et fait la navette entre la zone industrielle et la gare. Les barques à fond plat des pêcheurs, venus nombreux à l'aide des sinistrés, passent partout pour apporter de la nourriture ou des couvertures, donner des renseignements, assurer des navettes. Les pompiers, la sécurité civile allemande, italienne et française sont nombreux. 7 à 8000 personnes ont quitté la zone et sont hébergées dans des gymnases, chez des amis ou dans la famille. Un centre de vacances huppé a été réquisitionné par la Mairie. Mais ce ne sont pas les sinistrés les plus démunis qui y ont été installés.
A la Maison des Associations on vient chercher de la nourriture ou des vêtements ou une aide pour régler les questions administratives. Quand ils sortent de la zone, les habitants reçoivent des listes leur indiquant où ils peuvent trouver de la nourriture, des couvertures, quelles démarches administratives il leur faut entreprendre, où ils peuvent se renseigner. Mais nombre de personnes sont restées dans la zone inondée de peur d'être volées. Quant aux quelque 800 personnes qui sont parties les premières, elles n'ont pas été recensées.
Les salariés de certaines entreprises n'ont pas reçu leur paie du mois de novembre. C'est ainsi qu'à Testaert le patron n'a pas jugé urgent de récupérer au premier étage du bâtiment, donc hors d'eau, le disque dur contenant les données pour les salaires. La paie de novembre n'a donc pas été versée, alors que certains travailleurs ont tout perdu, leur habitation, leurs vêtements, leur chéquier, leurs meubles. Des patrons, le jeudi de l'inondation, n'ont pas laissé partir leurs salariés assez vite. Quand ceux-ci ont pu arriver chez eux, leurs affaires étaient sous l'eau. Il est arrivé que leur voiture soit perdue en cours de route.
La plupart des patrons ont commencé à parler de mettre les travailleurs au chômage technique, ou leur ont demandé de se mettre en congés ou en RTT. L'un a promis de verser de l'argent, en précisant qu'il leur faudrait le rendre en heures de récupération. D'autres parlaient de délocaliser leur entreprise, ce qui inquiète beaucoup leurs employés.
Face à cette rapacité, le nombre très important de bénévoles venus apporter leur aide réconforte. Les restaurants, les bars, offrent des repas chauds. Partout des gens, chaleureux, essaient d'apporter leur soutien aux sinistrés.
L'Union locale CGT a revendiqué que les salaires soient intégralement versés, en novembre comme en décembre, et, si le disque dur a été perdu, que les patrons disent à leurs banques de payer les mêmes salaires que ceux qui avaient été versés le mois précédent.
Elle a organisé une manifestation devant la sous-préfecture au moment où s'y trouvait Sarkozy. Malgré l'inondation 150 manifestants réussirent à se rassembler. Les CRS commencèrent par repousser les manifestants. Finalement dix d'entre eux furent reçus par le représentant du ministre et demandèrent que des aides soient versées tout de suite aux sinistrés, que les salaires soient payés intégralement et que les journées ne soient pas prises sur les RTT ou les congés dont les sinistrés auront grand besoin pour faire face à la situation.
En réponse, le ministre promettait l'installation de 450 «mobile-homes» et un million d'euros en liquide immédiatement, ce qui est bien insuffisant pour 15000 sinistrés, dont 8000 sans logement.