France et Allemagne s'assoient sur "le pacte de stabilité" : La force de la loi... des plus forts28/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1843.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

France et Allemagne s'assoient sur "le pacte de stabilité" : La force de la loi... des plus forts

Même si l'Union européenne n'a officiellement pas de "lois" (car ses membres refusent qu'elles puissent primer sur leurs lois nationales), des traités et pactes en tiennent parfois lieu. On pourrait croire que les États qui les ont signés les respectent. Il n'en est rien, surtout les plus puissants d'entre eux quand ils n'y trouvent pas leur compte, qui montrent au passage que leur Union n'est que celle d'intérêts rivaux et égoïstes.

C'est ce que souligne la comédie qui s'est jouée ces jours derniers à Bruxelles autour du pacte dit "de stabilité".

Lorsque l'Union européenne a décidé de se doter d'une monnaie commune, douze des quinze États qui la composent y ont adhéré en s'engageant, en 1997, à respecter un pacte de stabilité de leur budget. Chacun devait ainsi maintenir son déficit public dans la limite de 3% de son PIB (produit intérieur brut).

Monnaie communeet aidesau patronat national

Jusque-là, chaque État pouvait comme il le voulait "faire marcher la planche à billets", c'est-à-dire augmenter ses dépenses pour subventionner sa propre bourgeoisie. Son déficit public s'envolait, ce qui s'accompagnait d'une hausse des prix, et en fin de compte c'est à ses classes laborieuses qu'il présentait l'addition.

L'introduction de l'euro n'a bien sûr pas empêché les classes possédantes de continuer à bénéficier des largesses de leur État. Sur le fond, rien n'a changé. Mais cela a posé quelques problèmes de forme aux États devenus "copropriétaires" d'une monnaie unique. Car, quand un pays voit l'inflation s'emballer chez lui, désormais il l'exporte à toute la zone euro, et les autres États en supportent les conséquences. D'où la règle des 3% de déficit maximum. À charge pour chaque État de concilier ce plafond avec son souci de favoriser ses classes possédantes, par exemple, en réduisant fortement ses dépenses publiques, c'est-à-dire en taillant encore plus dans les services publics destinés à la population.

Cette recette, tous les gouvernements l'appliquent sans état d'âme. Mais, comme ils dépensent sans compter au profit des nantis, leur déficit s'emballe. Celui-ci a crevé le plafond "autorisé" depuis bientôt deux ans en France, gouvernée par la droite, et en Allemagne, qui a un gouvernement socialiste. Depuis, régulièrement, les "autorités de Bruxelles" rappellent ces pays à l'ordre, comme la BCE (Banque centrale européenne) qui veille à l'intérêt collectif des bourgeoisies de la zone euro.

"Cause toujours"...

Les autorités et États européens ont demandé plusieurs fois au gouvernement français qu'il respecte ses engagements. Celui-ci a alterné de vagues promesses et l'équivalent diplomatique d'un "bras d'honneur". L'Allemagne aussi. Et, afin de servir leur patronat, les deux ont continué de plus belle à creuser leur déficit.

N'ayant nulle intention de subventionner d'autres patrons que les leurs, les autres États ont porté plainte devant la Commission européenne. Celle-ci a sermonné les ministres français et allemand des Finances en les menaçant de sanctions. Mais l'Autriche, les Pays-Bas, même soutenus par la Commission et la BCE, pèsent peu face aux deux "géants" économiques de la zone euro. L'Allemagne et la France n'ayant guère eu de peine à rallier à leur point de vue plusieurs membres de l'Union, le commissaire européen aux Affaires économiques leur a proposé un nouveau délai pour se mettre en conformité. Mieux, le représentant de l'État italien (soucieux de son propre déficit) a suggéré que tout ce petit monde modifie le mode de calcul du déficit autorisé. Il suffirait de sortir les dépenses publiques de recherche (dont une partie est utilisée par chaque État pour "aider" ses industriels à mettre au point de nouveaux produits) et celles d'armement!

Quoi qu'ait décidé ou pas le sommet économique de Bruxelles, une chose est sûre: les intérêts des classes possédantes, et d'abord de celles des pays les plus puissants, ne seront pas touchés, alors que ce sont elles qui creusent le déficit. Même si une sanction financière devait être décidée contre Paris et Berlin, ce serait les populations des deux pays auxquelles on présenterait la note, d'une façon ou d'une autre.

Vrai leurre et fausse contrainte

Tout cela montre que les critères de Maastricht ou autres, que les États invoquent, ne sont que des prétextes pour faire se serrer la ceinture à leurs travailleurs. Et ceux-ci auraient bien tort de se laisser prendre quand des politiciens, au pouvoir ou de l'opposition, justifient cette politique antiouvrière en parlant du caractère "contraignant" de tels critères. Car, au besoin, les États qui les ont édictés les traitent comme des chiffons de papier. Ce qu'ils sont.

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