Antisémitisme : Après l’incendie de l’école juive de Gagny19/11/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/11/une1842.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Antisémitisme : Après l’incendie de l’école juive de Gagny

«Quand on s'attaque à un Juif, c'est à la France tout entière que l'on s'attaque», a déclaré Chirac à la suite de l'incendie criminel d'une école juive à Gagny.

S'il n'y avait derrière les propos de Chirac aucune autre motivation que la volonté de bannir tout antisémitisme et tout racisme, on ne pourrait qu'applaudir à un tel discours. Mais venant de la part d'un homme capable de se dire incommodé par «les bruits et les odeurs» (des immigrés), on peut douter de sa sincérité.

Quoi qu'en dise Chirac, l'antisémitisme n'est pas «contraire à toutes les valeurs de la France». La droite française a au contraire une solide tradition antisémite, de l'affaire Dreyfus aux campagnes haineuses qui visaient un certain nombre d'hommes politiques juifs, à commencer par Léon Blum. Sous le régime de «l'État français», de Pétain, toute une législation antisémite fut même élaborée, et la police française apporta sans barguigner son aide à la gestapo pour rafler les Juifs, qui furent envoyés par milliers vers la déportation ou les camps de la mort.

Evidemment, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la démagogie antisémite est une arme plus difficile à utiliser pour la droite... Encore qu'au fond d'eux-mêmes il n'est pas sûr que bien des bourgeois à l'air respectable ne véhiculent pas des préjugés peu avouables.

Alors, si c'est tant mieux que le gouvernement dise vouloir faire barrage à l'antisémitisme, il ne faut tout de même pas être dupe de ses motivations, qui seraient plutôt à rechercher du côté de vulgaires préoccupations électorales à quelques mois de deux élections nationales. Il y a en France près de 700000 Juifs, une fraction de l'électorat qui n'est pas à négliger. Et puis Chirac doit aussi répondre à de nombreuses critiques émanant de proches du gouvernement israélien qui l'accusent de complaisance avec les antisémites, comme ce fut le cas, disent-ils, lors du silence observé par le président français par rapport à un discours antisémite du président de la Malaisie. Voilà donc des raisons suffisantes pour que Chirac monte au créneau et affiche son hostilité à l'antisémitisme.

Sans que l'on puisse parler aujourd'hui d'une poussée de l'antisémitisme en France, il semble que les actes antisémites ont crû depuis le déclenchement de la seconde Intifada et la venue au pouvoir de Sharon en Israël. Car évidemment les sentiments qui animent nombre de Juifs et de maghrébins ne sont pas indépendants de la situation qui prévaut au Proche-Orient.

Qu'en France des Arabes sympathisants de la cause palestinienne pensent devoir injurier ou agresser des Juifs, voire incendier une école, entre dans une logique d'affrontement calquée sur les événements de Palestine, qui n'aide en rien la cause des Palestiniens qu'ils prétendent défendre, au contraire même.

Mais que des Juifs en France s'affichent ouvertement solidaires avec la politique répressive de Sharon à l'encontre des Palestiniens n'est pas fait non plus pour calmer les esprits. Choisissant le camp de ceux qui bombardent les villes et les villages palestiniens, qui volent les terres des paysans, enserrent les populations entre de hauts murs de séparation, ils se posent directement en adversaires des Palestiniens, suscitant alors la haine en retour.

Cela n'empêche pas un certain nombre de chantres du sionisme de continuer à jeter de l'huile sur le feu, accusant la presse et les médias français de «diaboliser» Israël en n'ayant pas une position «équilibrée» entre Israéliens et Palestiniens. Bref, ils demandent que soient tues les critiques à l'égard du gouvernement israélien. En qualifiant ainsi eux-mêmes d'antisémitisme tout ce qui est antisioniste, ils contribuent à cette confusion dont ils prétendent déplorer les conséquences.

Les chantres du sionisme le plus extrémiste et du soutien aveugle à la politique de Sharon n'ont pourtant aucun droit à se présenter comme parlant au nom des Juifs en général. Et heureusement, bien des voix s'élèvent parmi les Juifs de France pour condamner la politique franchement raciste, elle, de Sharon, et pour réclamer que les Palestiniens puissent obtenir les droits nationaux pour lesquels ils se battent depuis des décennies, tout comme les Juifs de Palestine les ont obtenus après une lutte de libération contre la Grande-Bretagne.

En tout cas, il est à craindre que, si les milieux pro-Sharon continuent à donner le ton, la situation n'aille pas en s'améliorant. C'est pourquoi, si on ne peut évidemment que condamner tous les actes antisémites, la meilleure façon pour les Juifs de combattre l'antisémitisme serait aussi de prendre leurs distances avec l'odieuse politique menée par le gouvernement Sharon contre les Palestiniens.

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