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Dans le monde
Irak : L'escalade terroriste de l'armée américaine
Il n'aura pas fallu longtemps à l'armée américaine pour riposter à l'humiliation de s'être montrée incapable d'empêcher deux de ses hélicoptères d'être abattus en moins d'une semaine par des groupes armés irakiens, causant la mort de 22 soldats américains.
Cette riposte, déclenchée le soir même du deuxième de ces attentats, pourrait marquer une nouvelle escalade de la guerre de plus en plus ouverte dans laquelle se sont engagés les dirigeants anglo-américains en Irak.
Les 8 et 9 novembre, les villes de Tikrit et de Fallujah ont été, l'une après l'autre, les cibles de pilonnages nocturnes par des bombardiers F-16 appuyés par des chars Abrams. C'est ainsi que les habitants de ces deux villes ont été "punis" pour le "crime" d'avoir habité à proximité des lieux où les deux hélicoptères avaient été abattus.
Ce n'est certes pas la première fois que les forces américaines se livrent à des bombardements depuis la "fin des combats" proclamée par Bush. Mais jusqu'à présent, elles s'étaient limitées à des opérations de ratissage, d'ailleurs inefficaces, contre des régions peu peuplées où étaient supposés se cacher des "partisans de Saddam Hussein". Ou bien encore, l'état-major américain avait eu recours aux missiles d'hélicoptères de combat pour appuyer une attaque terrestre contre des cibles bien précises en zone urbaine -comme ce fut le cas lors de l'attaque de la vaste demeure où, selon les dires des généraux américains, les deux fils de Saddam Hussein trouvèrent la mort.
En revanche, c'est la première fois depuis le 1er mai que les autorités américaines se livrent ainsi à des bombardements aveugles visant la population de villes entières, en représailles à des attentats qu'ils ne parviennent pas à empêcher, ni même à circonscrire sur le plan géographique. Cette politique consistant à s'attaquer à la population sous prétexte de faire pression sur les groupes terroristes n'est, de la part des dirigeants américains, qu'un aveu sanglant de leur impuissance.
On ne peut que rapprocher la politique terroriste de Bush de celle menée par Sharon, avec le consentement de Washington, contre les villes palestiniennes des Territoires occupés. Or on a bien vu où a conduit cette politique -la multiplication des attentats suicides contre des cibles israéliennes. En provoquant la colère et le désespoir dans les rangs de la jeunesse palestinienne, les chars et l'aviation de Sharon ont été les meilleurs agents recruteurs des courants islamistes qui prônent le sacrifice ultime contre la population israélienne comme seul moyen de se venger du terrorisme d'État de l'armée israélienne.
On peut craindre qu'en Irak, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Et cela d'autant plus que, à côté des exactions ordonnées par les généraux américains, les soldats eux-mêmes réagissent à la menace permanente des attentats en tirant de plus en plus facilement sur quiconque leur paraît être un ennemi potentiel -comme l'a montré le cas du maire pro-américain de Sadr City, le grand quartier chiite de Bagdad, abattu par un soldat américain au cours d'une altercation à propos d'une peccadille.
En déclenchant la guerre contre l'Irak, en renversant le régime de Saddam Hussein et en occupant le pays, les dirigeants américains ont déjà ouvert la voie et offert une plate-forme à la réaction islamiste. Leur politique terroriste contre la population risque de faire d'eux des sergents recruteurs pour les factions intégristes qui luttent pour le pouvoir. Or c'est le terrorisme qui sert de masque "radical" à ces factions, et ce d'autant plus que leurs rivalités ne peuvent que les entraîner à se livrer à une surenchère sur ce terrain.
C'est donc dans un engrenage infernal marqué par la montée du terrorisme, du terrorisme d'État de l'impérialisme comme de celui des attentats suicides prônés par les intégristes, que l'occupation de l'Irak est en train d'entraîner le pays.
Dans ce contexte les annonces rituelles de Bush et de ses acolytes sur le prochain retour de la "démocratie" en Irak font figure de sinistre farce. Mais sans doute s'agit-il d'une "démocratie" du même ordre que celle que le vice-secrétaire d'État américain Richard Armitage entendait défendre, lorsqu'il accusait avec indignation les auteurs de l'attentat qui a fait 17 morts à Ryad, le 9 novembre, de "vouloir renverser la famille royale et le gouvernement d'Arabie Saoudite". Car la théocratie moyenâgeuse d'Arabie Saoudite n'a jamais gêné les scrupules "démocratiques" de l'impérialisme.
Ce que l'on peut penser, en tout cas, c'est que l'instabilité politique qui, après ce deuxième attentat spectaculaire, semble s'aggraver en Arabie Saoudite, ne peut que rendre les dirigeants américains encore plus déterminés à s'accrocher coûte que coûte à leurs positions acquises en Irak, sans égard pour l'engrenage dans lequel ils engagent le pays. Car ils ont tout lieu de craindre qu'un départ trop hâtif, qui apparaîtrait inévitablement comme une défaite, se traduise par des explosions en chaîne en Arabie Saoudite et dans les micro-monarchies pétrolières du Golfe. Pour les dirigeants américains, tant pis si la population irakienne sombre dans l'enfer des attentats suicides et si les troupes américaines se retrouvent prises dans un bourbier sans nom -tant pis, pourvu que le flot des profits du Golfe continue à alimenter les trusts impérialistes, même rouges du sang des pauvres.