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Leur société
Français ou immigrés : Les patrons veulent des travailleurs jetables et sous-payés
Soulignant la nécessité pour l'économie française de faire venir 10000 travailleurs étrangers de plus par an, le Conseil économique et social recommande "d'ouvrir davantage que dans la dernière période, compte tenu des besoins identifiés ou prévisibles de notre économie, nos frontières à une immigration maîtrisée et organisée".
Nombre de commentateurs se sont empressés d'y voir une critique implicite à la politique anti-immigrés de Sarkozy et du gouvernement. C'est pour le moins aller un peu vite.
Certes, pour plaire à un électorat réactionnaire, le gouvernement marche dans le sillage de Le Pen et ne lésine pas dans la démagogie contre les immigrés. Mais pas plus que ses prédécesseurs en France ou que d'autres gouvernements de droite ou de gauche dans d'autres pays d'Europe occidentale, il n'envisage de verrouiller hermétiquement les frontières. Les patrons, et à leur suite les Sarkozy, ont toujours joué sur l'immigration contrôlée, voire même organisée, pour suppléer le manque de main-d'oeuvre dans telle ou telle branche, ce que discutent les spécialistes. C'est une gestion de l'immigration, une immigration sous contrôle comme elle l'était quand les grandes entreprises de l'automobile ou des mines envoyaient des agents recruteurs dans des pays du Maghreb ou au Portugal pour recruter sur place leur main-d'oeuvre. C'est d'ailleurs dans la même veine que le Conseil économique et social conseille au gouvernement de créer des "visas à durée définie" pour les immigrants.
Les problèmes des patrons, c'est d'avoir à leur disposition une main-d'oeuvre -française ou immigrée- la plus flexible possible. Contrairement aux fadaises que nous racontent les tenants du système capitaliste, les patrons ne font pas tourner leurs entreprises pour créer des emplois ou en préserver, mais pour faire du profit, et pour cela ils veulent disposer du maximum de souplesse.
Le gouvernement actuel, à l'image de ses prédécesseurs socialistes, refuse de régulariser les travailleurs sans papiers. Il flatte de cette façon les préjugés xénophobes d'une fraction de l'électorat. Mais c'est en même temps un service rendu au système économique, donc aux patrons qui disposent ainsi d'une main-d'oeuvre corvéable à merci.
Le patronat souhaite que cette souplesse dans la gestion de la main-d'oeuvre concerne la main-d'oeuvre qualifiée. Comme l'a déclaré un des principaux dirigeants du Medef, les patrons ne veulent pas une immigration "à tout va, comme autrefois". Mais "autrefois" c'étaient les patrons eux-mêmes, dans un autre contexte, qui organisaient et profitaient de cette immigration "à tout va". Ils veulent une immigration "fondée sur la qualification des émigrants ou leur capacité à se qualifier rapidement". En d'autres termes, ils ont besoin d'une main-d'oeuvre formée, rentable rapidement, adaptable. Des travailleurs à disposition, payés le moins possible, dont ils pourraient user et abuser puis se débarrasser sans formalité, voilà leur rêve.
Une telle situation existe déjà en partie, y compris dans de grandes entreprises, par l'utilisation de la sous-traitance comme l'a illustré cette année la lutte d'ouvriers indiens, grecs et roumains travaillant aux Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire. Cette entreprise, qui est une branche du groupe Alstom, emploie pas moins de 8000 intérimaires et sous-traitants, sans avoir à déroger aux lois sociales en vigueur.
Les patrons qui en veulent toujours plus et mènent la lutte de classe contre tous les travailleurs veulent que l'exploitation de leur main-d'oeuvre puisse se faire sans entrave, au salaire qu'ils veulent, le temps qu'ils veulent. Ils critiquent la "rigidité" du marché de l'emploi pour désigner les maigres protections légales ou réglementaires qui empêchent encore, dans certains cas, les travailleurs d'être contraints d'accepter n'importe quel travail. Travailleurs français ou immigrés, les travailleurs ont intérêt à se défendre, à lutter au coude à coude pour contrer cette logique du profit patronal à tout prix.