Livre blanc sur l’apprentissage : L’avenir des jeunes s’assombrit29/10/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/10/une1839.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Livre blanc sur l’apprentissage : L’avenir des jeunes s’assombrit

Le secrétaire d'État chargé des petites et moyennes entreprises, Renaud Dutreil, a rendu public le 16 octobre dernier un «livre blanc» contenant cinquante propositions afin de réformer l'apprentissage en France. Les motivations mises en avant invoquent le seul intérêt des jeunes, pour lesquels, en ces temps de chômage, l'apprentissage représenterait une voie vers le marché du travail. Selon ce ministre, pour diminuer le chômage des jeunes, il importerait de développer l'apprentissage et, pour cela, de le rendre plus attractif pour les employeurs.

L'apprentissage aujourd'hui

En fait, l'apprentissage est déjà largement répandu, puisqu'en 2002 il concernait 365000 jeunes. Si l'essentiel des effectifs se trouve dans les métiers manuels et les professions artisanales (bâtiment, hôtellerie, restauration, boulangerie, etc.), une part croissante des apprentis effectuent leur contrat dans de grandes, voire de très grandes sociétés, et y préparent des diplômes de plus en plus élevés (depuis le Bac Professionnel, en passant par le BTS, jusqu'aux DESS à bac plus 5!). Ces apprentis suivent ainsi, sur une durée de un à trois ans, l'alternance entre les cours dispensés dans leur centre de formation (les CFA) et leur travail en entreprise. Généralement, ils sont présents dans celle-ci la majeure partie du temps (deux semaines sur trois, ou trois sur quatre).

Pour les employeurs, l'affaire est intéressante, puisque les apprentis ne touchent qu'une fraction du SMIC (en gros, de 250 à 800 euros par mois selon les cas), paye sur laquelle les entreprises ne versent aucune charge sociale. De plus, à la fin de l'année, l'État reverse à l'employeur une prime représentant trois à quatre mois de salaire de l'apprenti!

Quant au coût de la formation, dispensée par des organismes le plus souvent privés, il est d'abord payé grâce à la taxe d'apprentissage prélevée sur toutes les entreprises et, pour une autre part, supporté par le budget des régions, qui subventionnent de plus en plus les CFA. Enfin, les frais sont mutualisés par les chambres patronales, ce qui fait que cela ne coûte quasiment rien à l'employeur.

Au total, pour les entreprises, l'apprentissage collectionne les avantages. D'abord pour une série de patrons, c'est une source permanente de main-d'oeuvre quasiment gratuite. De surcroît les employeurs, qui ont créé et contrôlent directement la plupart des CFA, décident du contenu des enseignements.

Les projets gouvernementaux: une régression supplémentaire

Sous prétexte de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes, les cinquante mesures préconisées par le livre blanc gouvernemental visent à aggraver les choses. Et même si elles n'apportent pas de bouleversement profond, elles constituent une régression supplémentaire.

Le gouvernement propose de faire sauter la limite d'âge des contrats d'apprentissage, fixée jusqu'ici à 25 ans. Il précise que les dérogations devront être motivées mais par qui et pour quoi? C'est une porte ouverte vers l'extension d'un statut sous-payé à de nouvelles catégories de travailleurs.

Quant à la prime versée par l'État aux entreprises (qui s'ajoute, rappelons-le, à l'exonération totale des charges sociales), elle serait revalorisée et transformée en crédit d'impôt! Les salaires des apprentis, eux, resteront ce qu'ils sont...

Enfin, la durée du travail, qui était limitée jusqu'alors à sept heures par jour pour les mineurs, sera portée à huit heures, «avec pour seul objectif de permettre au jeune d'être présent en entreprise dans les phases d'activité nécessaires à sa formation»... et pour seul résultat d'allonger la durée pendant laquelle les jeunes ( à partir de 15, 16 ou 17 ans) pourront être exploités!

Le livre blanc contient encore bien d'autres propositions de la même eau, depuis celle visant à renforcer la présence patronale dans les CFA jusqu'à l'idée d'employer des retraités comme formateurs, en passant par la possibilité de conclure des contrats d'apprentissage insérés dans des CDI!

Tout cela pèse dans le sens de l'aggravation d'un dispositif déjà extrêmement favorable au patronat. Quant aux jeunes qui passeront par cette voie, on ne peut que leur souhaiter d'y faire l'apprentissage... de la lutte de classe.

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