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Leur société
Canicule - 15000 morts : Non-assistance à personnes en danger
Le rapport commandé par le ministre de la Santé sur le fonctionnement du système de santé pendant la canicule a été publié le 8 septembre. Rédigé par d'éminents spécialistes, il dénonce le mauvais fonctionnement des services sanitaires, épingle comme bouc-émissaire l'Institut national de veille sanitaire, normalement chargé d'alerter le ministère sur toutes menaces sur la santé, accuse l'absence de communication entre services et, pour ce qui concerne le manque criant de personnel dans les maisons de retraite et les hôpitaux, met en cause la réduction du temps de travail! Et le rapport se conclut par un appel à de nouvelles études et à de nouveaux rapports, une réorganisation des services de santé, à une réforme de l'information sur les décès, à la mise en place de programmes d'action "chaleur", à l'ouverture de services de gériatrie, à un renforcement de la médicalisation des maisons de retraite, etc.
Pour ce qui concerne les études, elles iront comme les précédentes, au mieux, s'empiler dans des classeurs ou des tiroirs. Depuis plus de vingt ans, de telles études ont été menées, après des vagues de chaleur similaires aux États-Unis, en Australie, en Europe et même ici, en France. Notamment celle qui a suivi une vague de chaleur comparable, en Provence, il y a vingt ans, en juillet 1983, et qui a provoqué au cours des dix derniers jours de ce mois, pour la seule ville de Marseille, 480 décès supplémentaires.
Tout est consigné à ce propos dans les résultats de l'étude publiée en 1992 par la revue Santé Publique: la température autour de 40 en journée et entre 22 et 28 la nuit, les services des urgences submergés (jusqu'à 200 patients par 24 heures à l'hôpital de la Timone), le fait que les victimes étaient essentiellement des personnes âgées et surtout des femmes, etc.
Les mesures à prendre y sont spécifiées. "Pour les personnes âgées: vaporisation d'eau sur toutes les parties découvertes, ou linge humide à passer sur les mêmes parties, à renouveler toutes les 1/2 heures." Le moment à partir duquel mettre en place ces mesures est clairement défini: "Lorsque la température maximale atteint ou dépasse 35 et qu'elle survient après une nuit où il a fait 22 (...) lorsque de telles conditions persistent plus de deux jours de suite." Le fonctionnement d'un système d'alerte y est aussi proposé: signalement de la vague de chaleur par le centre de météorologie aux services de santé publique, qui ensuite transmettent l'information aux médias qui, eux, lancent les messages de prévention à la population et aux organismes de Santé.
L'étude était à la disposition de tous les gouvernements, de gauche comme de droite, qui se sont succédé depuis qu'elle a été publiée en 1992. Cet été, on connaissait donc le danger et les moyens d'y faire face et, de plus, la météo avait annoncé à l'avance la vague de chaleur. Mais les ministres étaient en vacances, sans doute fatigués par les attaques contre les retraites.
Les prochaines études n'apporteront rien de plus. Elles concluront aux mêmes résultats, préconiseront des solutions identiques. Sauf que pour les mettre en place, et notamment pour hydrater des vieillards toutes les demi-heures, il faut autre chose que des déclarations de principe et des voeux pieux. Il faut des crédits et du personnel.
Concernant le manque de personnel infirmier le rapport affirme "ce qui fait problème, ce n'est pas tant le nombre total que la répartition des infirmières (...) la création de postes consécutive à l'ARTT a conduit beaucoup d'infirmières de la région parisienne à partir s'installer en province". Cela s'appelle esquiver le problème. Les auteurs du rapport auraient dû aller dans les services hospitaliers et enquêter auprès des infirmières qui leur auraient raconté les services avec 40 malades, la plupart grabataires, et une seule infirmière pour s'en occuper, l'épuisement après des doubles services, les efforts déments... Et pas parce qu'il y a une mauvaise répartition des infirmières mais parce que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans ont rogné sur les crédits de l'hôpital. Par leurs économies criminelles, ils ont créé la catastrophe que l'on vient de connaître.
"Il conviendrait, nous dit le rapport, de renforcer le plan de médicalisation des maisons de retraite". Mais qui a amputé de 103 millions d'euros les crédits justement destinés à la médicalisation de ces institutions? Faire boire un vieillard, ce n'est pas seulement lui poser un gobelet à côté de son lit. Il faut du personnel en nombre suffisant pour venir lui parler, le faire boire et le rassurer en permanence.
Tant que l'État ne considérera pas l'aide aux personnes âgées et la santé de la population en général comme une priorité, c'est-à-dire tant que la gestion capitaliste durera, sourde aux besoins de la collectivité, lors des prochaines vagues de chaleur, des vieillards continueront à mourir faute d'un peu d'eau et d'un peu de soins.