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- Lutte ouvrière n°1830
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Alstom - Chantiers de l'Atlantique Saint-Nazaire : Les travailleurs roumains en grève
Les 95 soudeurs, tuyauteurs et électriciens roumains de la société Klas-Impex (sous-traitante au 2e rang) qui travaillent à la construction du paquebot "Queen Mary 2" sont entrés en grève lundi 18 août.
Depuis leur arrivée aux chantiers navals de Saint-Nazaire en janvier dernier, les problèmes de paiement des salaires des travailleurs et le climat de terreur entretenu par leur patron n'avaient fait que s'accroître.
Dès le début, pour pouvoir être embauchés, ils ont dû verser 600 euros chacun à leur patron (soit l'équivalent de six mois du salaire moyen d'un ouvrier en Roumanie), contre la promesse de toucher le SMIC français. C'est ainsi que le patron de cette entreprise roumaine, avant d'arriver en France, s'est constitué une partie de sa trésorerie. Par la même occasion, il s'est aussi doté avec cette "caution" d'un important moyen de pression contre les protestataires.
Huit mois après le début de leur mission, ils n'ont pas encore reçu un seul salaire complet. En guise de SMIC, ils n'ont touché entre janvier et mai que trois à quatre euros de l'heure. Ce qui leur a été payé l'a toujours été en liquide, sans bulletin de paie. Travaillant jusqu'à cinquante heures et plus par semaine, les heures supplémentaires n'étaient ni majorées, ni même tout simplement payées. Enfin, les salaires de juin et de juillet n'ont pas été du tout versés. Pour faire face au mécontentement que cette situation provoquait, le patron n'a reculé devant aucune méthode: pressions morales et intimidations physiques répétées, renvoi pur et simple en Roumanie de deux ouvriers qui ne voulaient pas se soumettre, harcèlement sur un contremaître contraint à démissionner, et même menaces de mort à l'encontre d'un des meneurs de la contestation et de représailles contre sa famille restée en Roumanie.
Mais la colère longtemps contenue a fini par éclater. Lundi 18 août, la grève a été unanimement décidée. Avec l'aide de la CGT, les 95 travailleurs de Klas-Impex, très soudés, ont organisé des piquets de grève aux différents accès du site pour faire connaître leur mouvement et bloquer les approvisionnements des Chantiers. Leurs manifestations à travers la ville ne sont pas passées inaperçues: comme l'ont noté les médias, le défilé en bleu de travail des "soutiers des prestigieux paquebots construits à Saint-Nazaire", leur cohésion et leur détermination ont impressionné.
De la sous-préfecture où les pouvoirs publics se sont sentis obligés de convoquer une table ronde pour "chercher une issue à cette situation dramatique", à l'ancienne base sous-marine où les touristes sont encore nombreux pour visiter "l'Eldorado de la construction navale", jusqu'aux pontons où s'achevait la course à la voile du Figaro et même jusqu'aux plages de La Baule, les grévistes ont multiplié les moyens de pression sur leur patron et leurs donneurs d'ordre.
Car si la preuve n'est plus à faire que leur patron est véreux jusqu'au trognon, il apparaît de plus en plus évident aux yeux de tous que, cachée derrière une apparence de respectabilité, la direction des Chantiers de l'Atlantique, filiale d'Alstom, est directement responsable de cette situation. C'est elle qui organise la sous-traitance en cascade qui lui permet non seulement de baisser directement les coûts de production, mais aussi d'étendre sans cesse la précarité et de tirer vers le bas les conditions de travail et de rémunération de l'ensemble des travailleurs du site.
Le directeur des Ressources humaines des Chantiers, élu meilleur DRH de l'année par ses pairs, a beau par voie de presse "soupirer qu'il ne s'agit que d'un cas isolé", la lutte des travailleurs roumains intervient après celle des ouvriers indiens au mois de mars, puis celle des Grecs et des Portugais en avril et sans doute avant d'autres, tant ces situations de travailleurs payés en-dessous des minima légaux et même pas payés du tout se multiplient.
Après huit jours de grève, la direction des Chantiers et celle d'Asco, sous-traitant de 1er rang, se sont engagées à verser 3200 euros sur les plus de 4500 euros dus. Mais les travailleurs veulent la totalité de ce qu'on leur doit et des garanties pour l'avenir.