LO-LCR : Je t’aime, moi non plus...25/07/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/07/une1825.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

LO-LCR : Je t’aime, moi non plus...

La réponse de la LCR (1) à l'invitation de LO d'envisager des candidatures communes aux élections régionales et européennes avait toutes les chances d'emprunter le même style que la proposition. Elle ne l'a pas manqué. L'extrême gauche, même trotskiste, a encore du chemin à parcourir pour appeler un chat un chat, un tournant un tournant et une erreur une erreur.

Certes l'important est l'acceptation des propositions de notre organisation d'entamer des discussions. Mais cette acceptation était acquise d'avance, étant donné la nécessité pour les deux organisations de tenter de préserver des élus malgré les entraves mises par les changements des lois électorales. Et elle est précédée d'une série de considérations, suscitées il est vrai par celles contenues dans la lettre de LO, qui n'en soulèvent pas moins nombre d'interrogations.

Ainsi la justification laborieuse et embarrassée de la position prise par la LCR au deuxième tour des élections présidentielles de l'an dernier: en substance, "nous n'avons pas appelé à voter Chirac... mais nous avions quand même bien raison de le faire". Cette défense prête simplement à sourire. La répéter plus d'un an après alors que, tant parmi les travailleurs ou le peuple de gauche, si cher à la LCR, que les camarades de la LCR eux-mêmes, beaucoup se mordent les doigts d'avoir voté Chirac, et le disent, est presque incompréhensible.

Cette obstination soulève surtout quelques autres questions, en particulier sur l'attitude qui pourrait être adoptée lors des prochaines élections.

Ne risque-t-on pas d'avoir aux régionales, élections à deux tours, le même cas de figure que nous avons eu en mai 2002 ? L'année écoulée et les attaques redoublées du gouvernement (celui présidé par Chirac justement) contre les classes populaires ont peu de chance d'avoir réconcilié les électeurs avec les grands partis traditionnels, ni avec la classe politique dans son ensemble. La couardise et la soumission de la gauche gouvernementale comme ses trahisons des intérêts et des luttes des travailleurs, pas davantage. L'électorat du Front national, fait en bonne partie d'électeurs populaires écoeurés et démoralisés, pourrait bien n'avoir pas régressé, loin de là.

Que ferait la LCR si, dans telle ou telle région, le PS était distancé par l'extrême droite comme Jospin le fut par Le Pen ? Appeler à nouveau à voter pour cette gauche que les électeurs auront vomie une nouvelle fois, sous prétexte de s'opposer au danger fasciste "dans les urnes comme dans la rue" ? Voire, si nos listes avaient passé la barre des 5%, prêter les noms de certains de ses camarades à la liste de gauche ?

Que ferait-elle même si dans une région, PACA par exemple, la liste Le Pen obtenait un succès tel que droite et gauche se sentent menacées au point de s'unir au deuxième tour ? Dans cette hypothèse (que le vote de la gauche pour Chirac, il y a un an, ne permet plus d'exclure) la LCR appellerait-elle à nouveau à voter pour la liste "républicaine" d'un Gaudin sous prétexte qu'elle serait faite aussi de PS, sinon de Verts et de PCF, et que ce serait une façon d'empêcher Le Pen d'accéder à la présidence de la région ?

Avant les dernières élections présidentielles la LCR avait décidé de rompre avec la vieille routine d'apporter systématiquement au deuxième tour (quand ce n'était pas dès le premier) son soutien à la gauche, quelles que soient les trahisons de celle-ci et quelle que soit la désaffection des travailleurs envers elle. Nous (la Fraction) avions alors regretté que notre organisation ne saisisse pas cette occasion pour renouer l'alliance.

Aujourd'hui c'est LO qui a pris les devants et propose cette alliance, ce dont nous nous réjouissons. La LCR pourrait se passer de justifier à tout prix ses errements passés: LO ne s'en sert même plus comme prétexte pour repousser toute idée de campagne commune. Mais la LCR ne pourra pas éviter de clarifier sa politique future.

Pertinence

Si la lettre de la LCR pose quelques autres questions pertinentes, il reste à nos deux organisations d'y apporter des réponses tout aussi pertinentes.

Certes, à l'approche du Forum social européen de Saint-Denis par exemple, la question de l'attitude des communistes révolutionnaires à l'égard du mouvement altermondialisation mérite d'être soulevée. Mais la LCR peut-elle se contenter de reprocher à LO sa politique de la "chaise vide", alors que le problème est d'abord de définir une politique qui permette l'intervention des révolutionnaires sans se contenter d'un simple suivisme ? Politique que, à notre avis la LCR est encore loin d'avoir trouvée, même pour elle-même.

Certes, au sortir du mouvement et des luttes de ces trois derniers mois une discussion sérieuse sur les tactiques des uns et des autres, les insuffisances ou les manques, n'aurait rien de superflu. Mais plus que de nos inconséquences respectives - par exemple, pour LO, avoir opposé la grève générale à la généralisation des luttes (ce qui pour tout gréviste signifiait exactement la même chose) ou, pour la LCR, avoir réclamé une codification des structures de coordinations enseignantes auxquelles une bonne partie de ses propres militants n'ont même pas pris la peine de participer - ne convient-il pas surtout de débattre des sujets sur lesquels nos deux organisations pourraient intervenir ensemble et de la manière dont elles pourraient le faire ? Et ce sans languir jusqu'aux élections mais dès la prochaine rentrée. Pourquoi en effet la possibilité de "développer une campagne sur ces questions dont dépendent la vie quotidienne et l'avenir des travailleurs" (lettre de LO) devrait-elle se limiter à cette occasion ? La nécessité ne s'en fait-elle pas sentir sans attendre ?

Jacques MORAND

(1) A l'heure où nous remettons cette tribune nous ne savons si cette lettre sera publiée dans les numéros de Rouge ou de Lutte Ouvrière de cette semaine; si ce n'était le cas le lecteur pourra la trouver sur le site de LO http://www.lutte-ouvriere.org, de la LCR http://www.lcr-rouge.org , ou sur celui des amis de LO http://forumlo.cjb.net

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