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Pakistan-Afghanistan : Les suites sanglantes de la "guerre contre le terrorisme"
Quarante-huit morts, tel est le bilan sanglant de l'attentat du 4 juin, à Quetta, au Pakistan, contre une mosquée chiite de ce pays à majorité sunnite. Il s'agit du dernier d'une longue série d'attentats visant les minorités ethniques et religieuses du pays. Et si la presse française ne s'est guère fait l'écho de ces attentats, sauf en mai 2002 lorsque l'un d'entre eux a coûté la vie à onze techniciens français de la construction navale, ils n'en ont pas moins été très meurtriers pour la population pakistanaise.
Un tel silence sur les victimes du terrorisme au Pakistan n'est pas le fait du hasard. D'autant moins que c'est précisément l'aggression occidentale contre l'Afghanistan voisin, avec l'appui du président-dictateur pakistanais Moucharraf, qui a marqué le début de la vague actuelle d'attentats. Qui, dans les capitales occidentales, admettra que cette agression menée au nom de la "lutte contre le terrorisme", sous prétexte de répondre aux attentats du 11 septembre 2001 à NewYork, n'aura fait que décupler ce terrorisme au Pakistan même, chez cet "allié privilégié" de l'Occident dans la guerre?
Car la guerre contre l'Afghanistan a permis aux courants islamistes intégristes pakistanais de se donner des airs radicaux en posant aux champions de la résistance à l'agresseur occidental. Elle a jeté dans les bras de ces courants réactionnaires nombre de ceux qui cherchaient à exprimer leur colère face à la guerre sanglante que l'impérialisme infligeait à la population du pays voisin.
On l'a bien vu lors des élections d'octobre 2002 au Pakistan. Non seulement les partis intégristes y ont presque décuplé leurs scores, avec près de cinq millions de voix (16% des suffrages exprimés), mais ils ont pris le contrôle total de la province nord-ouest du pays et partiel de la province du Balouchistan, dont Quetta, la ville où a eu lieu le dernier attentat, est la capitale. Le fait qu'il s'agisse des deux régions du Pakistan dont la population a le plus de liens ethniques avec la population afghane n'était pas le fait du hasard.
Depuis, forts de ces positions, les intégristes se sont renforcés et surtout se sont imposés. Dans le nord-ouest, on a imposé le port du hijab aux femmes, interdit les cliniques de planning familial et fermé les écoles pour femmes. Dans le Balouchistan, ce sont leurs milices qui ont entrepris d'imposer leur loi dans la rue. Partout, les attentats se sont multipliés pour terroriser les minorités et, à l'occasion, parce qu'il faut bien conserver à l'intégrisme un air pseudo-radical, contre des cibles occidentales.
Voilà la situation catastrophique dans laquelle l'agression occidentale a plongé le Pakistan, sans parler de la chute économique vertigineuse qu'a connue le pays du fait de la guerre, entraînant la population dans un état de misère sans précédent.
Et la situation qu'elle a laissée en Afghanistan est encore pire, si c'est possible. Non seulement le gouvernement pro-occidental de Kaboul ne gouverne que la capitale, mais il n'est même pas capable d'y mettre fin aux attentats visant ses propres représentants. Le dictateur pakistanais Moucharraf estimait récemment que pour contenir les guerres de clans entre chefs de guerre afghans, guerres dont l'enjeu est en grande partie le contrôle du commerce de la drogue, et donner au gouvernement de Kaboul un peu d'autorité hors de la capitale, il faudrait que les grandes puissances y envoient 35000 hommes de troupes en renfort, en plus des 17000 soldats toujours stationnés à Kaboul!
Or ce sont précisément de telles conditions de guerre civile permanente qui, au milieu des années 1990, permirent aux talibans de s'imposer au pouvoir, en s'appuyant sur la lassitude de la population. Faut-il alors s'étonner si, comme le dit lui-même le Pentagone, on assiste à un retour des talibans? Non pas parce que les forces américaines se sont ridiculisées en échouant dans la capture de Ben Laden et de ses protecteurs afghans, mais parce que les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets.
Après avoir peuplé le paysage politique régional de milices intégristes dans les années 1980, afin d'affaiblir l'URSS qui occupait alors l'Afghanistan, l'impérialisme avait contribué à précipiter ce pays dans le chaos et fait le lit des talibans des années 1990. Aujourd'hui, on peut craindre que l'histoire se répète et que la "guerre contre le terrorisme" menée en Afghanistan n'ait fait qu'aggraver la misère dont se nourrissent les courants réactionnaires tels que l'intégrisme, non seulement en Afghanistan mais également au Pakistan.