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Editorial
Le boomerang corse
Ça leur apprendra! Le trio Chirac-Raffarin-Sarkozy voulait tirer gloire d'un succès du "oui" à leur référendum en Corse. Et ce fut "non"! Il y a trois jours encore, Sarkozy, bouffi d'auto-satisfaction, se vantait de l'arrestation d'Yvan Colonna, en claironnant, mouvement de menton à l'appui, que désormais l'État de droit était respecté en France. À ce qu'il paraît, Chirac s'est écrié en le félicitant: "C'est génial". En oubliant que, si l'arrestation de l'assassin présumé du préfet Erignac a eu lieu sous sa présidence, l'assassinat aussi...
Il faut croire que l'arrestation d'Yvan Colonna est apparue une ficelle un peu trop grosse aux yeux des Corses. Le coup médiatique rappelle en tout cas d'autres opérations tordues dont les chiraquiens sont coutumiers pour tenter de gagner des élections, celles précisément qu'ils finissent par perdre.
Eh oui, le trio Chirac-Raffarin-Sarkozy n'a pas bien réalisé qu'il était risqué d'organiser un référendum, sur quelque question que ce soit, dans la foulée du mouvement social des dernières semaines. Il a concocté un changement de statut qui ne pouvait intéresser que quelques dizaines de notables et qui satisfaisait les nationalistes qui appelaient à voter "oui". Mais, comme le disait en substance un syndicaliste à la télévision, "en Corse, il n'y a pas que des gens en cagoule, il y a des gens qui travaillent". Et il se trouve qu'une partie de ces gens qui travaillent sont des employés des services publics qui n'ont peut-être rien à faire du statut de la Corse mais qui, en revanche, n'acceptent pas l'attaque contre les retraites.
Le gouvernement s'est bien gardé d'organiser un référendum sur sa loi contre la retraite et les retraités. Il ne savait que trop bien que l'écrasante majorité des salariés était et reste hostile à sa "réforme". Qui aurait voté pour une loi destinée à allonger le temps de travail tout en réduisant les retraites, en dehors des patrons petits et grands, des politiciens à leur service, des inconscients et de quelques bonzes syndicaux plus proches des patrons que des salariés?
Mais voilà que c'est le référendum sur lequel Chirac, Raffarin et Sarkozy comptaient, qui leur est revenu dans la figure. Réunir les deux départements corses en un seul -après les avoir séparés en deux il y a vingt-sept ans- n'avait vraiment pas de quoi enthousiasmer la population corse. Il y avait, en revanche, l'occasion d'exprimer un mécontentement.
Le gouvernement aurait dû pourtant se méfier. Il y a déjà eu un avertissement lorsque Raffarin et Sarkozy se sont rendus en couple sur l'île pour vendre leur référendum à la population. Leur grand meeting de soutien, prévu en ville à Bastia, a dû être limité à l'aéroport dont ils n'ont pas pu s'éloigner sous la pression des travailleurs des services publics de l'île, devant une petite centaine de fidèles. Les Corses ont dû bien s'amuser du spectacle des deux principaux membres du gouvernement juchés sur des chaises en plastique, essayant sous les huées et les sifflets de se faire entendre. Le préfet a fait les frais de la déconvenue ministérielle, limogé pour ne pas avoir assuré la claque et un service d'ordre efficace pour ces messieurs du gouvernement. Il n'y avait pas non plus, dans ce minable acte de vengeance, de quoi attirer la sympathie de la population. Et aujourd'hui, ils n'ont plus personne à limoger, à part eux-mêmes.
L'UMP, le parti de Chirac, qui appelait à voter "oui", a une écrasante majorité au Parlement. Le PS, qui appelait aussi à voter "oui", domine l'opposition parlementaire. Ces deux partis prétendent monopoliser la vie politique. Voilà de quoi donner une bonne image de leur véritable représentativité.
Le résultat du référendum en lui-même ne changera rien à rien. On peut cependant tirer bon espoir que, si en septembre les salariés se remettent en mouvement contre les mesures antiouvrières que le gouvernement compte poursuivre, cette fois contre l'assurance maladie, les salariés corses ne seront pas les derniers à réagir.