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Dans les entreprises
SNCF : La direction se croit tout permis
Pour faire payer la grève aux cheminots, la direction générale de la SNCF n'y va pas avec le dos de la cuiller.
D'après la législation actuelle, pour être considéré comme "gréviste", il faut qu'un préavis ait été déposé par un syndicat cinq jours pleins avant la date du début de la grève et qu'il soit considéré comme valable par la direction. Le préavis peut être reconductible, comme ceux du 13 mai et du 3 juin derniers.
Décidée à être ferme sur le respect des textes, la direction a décidé que, cette fois-ci, elle ne reconnaîtrait plus comme gréviste un cheminot qui aurait interrompu la grève, reconduite chaque jour. Celui qui a fait grève deux jours, mais a repris le travail le troisième pour se remettre en grève le quatrième, n'est alors plus considéré comme gréviste par la direction. En s'appuyant sur une jurisprudence condamnant les grèves dites "perlées", elle considère le travailleur en absence irrégulière, même si à l'échelle de l'entreprise la grève s'est poursuivie.
Lors des grèves contre la réforme des retraites, il ne s'est pas agi de cas isolés, car de nombreux cheminots, dans de petits secteurs, ne se décidaient qu'après avoir été informés de ce qui se passait ailleurs. Pour la journée du 19 juin, la direction a même fait encore mieux, puisqu'elle a mis en absence irrégulière les cheminots sédentaires qui n'ont fait qu'une après-midi de grève pour participer à la manifestation.
La différence entre absence irrégulière et grève n'est pas banale sur le plan pécunier. Pour une journée de grève, la retenue est de un trentième de mois en tenant compte de tout, notamment de la prime de fin d'année (pas de cadeau!). Pour un ouvrier d'entretien qui gagne autour de 1 400 euros, cela représente environ 50 euros par jour. En absence irrégulière, cela monte à plus de 80 euros, car le calcul est établi à l'heure, sur la base du tarif des heures supplémentaires... Sur le site de Villeneuve-Saint-Georges (94), les sédentaires ont calculé que deux journées de grève leur ont coûté environ 92 euros, alors que deux journées déclarées en "absence irrégulière" atteignent 143 euros! Si ce n'est pas du vol, qu'est-ce que c'est?
Animés d'un esprit revanchard, certains directeurs d'établissement ne reculent devant rien. Par exemple, à Montparnasse, l'assemblée générale ayant voté la reprise du travail et un cheminot ayant décidé de poursuivre la grève, ce dernier s'est vu noté en "absence irrégulière" avec les retenues conséquentes! Dans ces conditions, il n'est pas dit non plus que, dans certains endroits où l'assemblée aurait voté la poursuite de la grève et où un cheminot aurait malgré tout décidé de reprendre le travail, il ne lui ait pas été retiré une journée...
Face à cette politique de la direction générale, qui se prépare à faire signer aux organisations syndicales ce que Gallois, le président de la SNCF, appelle un accord pour "l'amélioration du dialogue social", et tandis que Raffarin n'a pas renoncé à son idée de "service minimum", les fédérations syndicales de cheminots protestent localement mais n'entreprennent rien au niveau national, même pas sur le plan juridique, sur lequel pourtant il y aurait de quoi faire. C'est la première fois que les cheminots constatent une telle passivité de leur part, y compris de la part de la CGT.
Reste que ces petites vengeances contre les grévistes pourraient se retourner contre la direction comme autant d'incitations à se remettre en grève... non pas reconductible mais jusqu'à satisfaction et en exigeant le paiement intégral des jours de grève!