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- Lutte ouvrière n°1822
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Editorial
Quand le Medef décide de la politique culturelle du pays
La grève des "intermittents" du spectacle peut sembler marginale, mais elle s'inscrit en fait dans l'ensemble des mouvements de protestation dirigés, à juste titre, contre les attaques du gouvernement et du patronat sur les retraites, les allocations chômage, la Sécurité sociale.
Ces "intermittents" sont en fait des travailleurs intérimaires, des comédiens certes, mais surtout des techniciens: éclairagistes, cameramen, machinistes, etc., dont les entrepreneurs de spectacles ont absolument besoin, comme le prouve le fait que leur grève risque d'empêcher la tenue de tous les festivals d'été.
Il faut un fier culot au ministre de la Culture, Aillagon, pour oser dire que ces grévistes "prennent les spectateurs en otages". Mais il est vrai que, pour les gouvernants, tous les travailleurs qui revendiquent sont des preneurs d'otages. Les enseignants en lutte par rapport à leurs élèves, les cheminots et les travailleurs des transports vis-à-vis des usagers. Par contre, pas un seul ministre n'oserait utiliser cette expression pour désigner les patrons qui n'hésitent pas à fermer des usines et à jeter à la rue des milliers de travailleurs.
La vérité, c'est qu'en augmentant le nombre d'heures de travail effectuées par ces intermittents nécessaires pour percevoir des indemnités de chômage, en raccourcissant la durée d'indemnisation, le Medef (ex-CNPF), avec la complicité des syndicats qui ont joint leur signature à la sienne, s'attaque à une nouvelle catégorie de travailleurs.
Il y aurait des "abus" de la part des intermittents, clament les dirigeants du Medef. Mais c'est aussi ce que ces gens-là ont dit des chômeurs, tout comme ils présentent les travailleurs de la fonction publique comme des "privilégiés". Mais ni le Medef ni le gouvernement ne dénoncent les employeurs (en particulier ceux des entreprises de l'audiovisuel, qui se sont multipliées et ont prospéré depuis l'éclatement de la radio-télévision publique et la privatisation de la production).
Pourtant, profitant de la pression du chômage, nombre d'entre eux ne déclarent les intermittents qu'ils emploient que pour des horaires bien inférieurs à la réalité... et des salaires réduits en conséquence.
Il faut aussi un fier culot au baron Seillière pour affirmer, comme il l'a fait: "Le milieu du spectacle est habitué à ce qu'on ne touche pas à ses privilèges. On y touche, comme à d'autres, et c'est ce qu'on appelle la réforme". Le seul mal que ce monsieur s'est donné, c'est d'être né dans la richissime famille des de Wendel. Et la "réforme" à laquelle aspire cet authentique privilégié, et avec lui tout le grand patronat, cela consiste à attaquer le monde du travail dans tous les domaines, en spéculant sur le fait que la crainte du chômage paralysera les travailleurs.
Depuis des années, sous les gouvernements dits de gauche comme sous ceux de droite, la part des richesses produites revenant aux travailleurs n'a cessé de diminuer. Les salaires, pour ceux qui ont eu la chance de conserver leur emploi, sont quasiment bloqués.
Les autres ont vu leurs revenus diminuer de manière souvent considérable. Conséquence de la baisse des impôts sur le revenu, qui bénéficie avant tout aux plus riches, et de l'instauration de la CSG qui touche les revenus les plus faibles, la répartition des impôts entre les différentes classes de la société n'a cessé de se modifier au détriment des travailleurs. La "réforme" sur les retraites va se traduire par un allongement de la durée du travail pour tous les salariés, et une diminution des pensions. Depuis des années les prestations de la Sécurité sociale se réduisent comme peau de chagrin, et une nouvelle "réforme" en ce sens est annoncée.
Face à cette offensive tous azimuts du patronat, une contre-offensive d'ensemble du monde du travail est plus que jamais nécessaire. Et le gouvernement a peut-être tort de croire qu'il a gagné la partie ce printemps. Car les mouvements sociaux qui ont secoué le pays ces deux derniers mois ne sont peut-être que le prélude de cette contre-offensive, que le patronat pourrait bien payer cher.