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Grande-Bretagne : Un prétexte hypocrite pour mieux licencier
Il est arrivé bien souvent au gouvernement travailliste de Tony Blair d'user de démagogie anti-européenne, que ce soit pour justifier son alignement sans réserve sur la politique guerrière de Washington, comme lors de la guerre contre l'Irak, ou tout simplement pour flatter la fibre chauvine d'une partie de l'électorat britannique.
D'ailleurs, Blair ne vient-il pas une nouvelle fois d'arguer de la prétendue supériorité de l'économie britannique pour repousser aux calendes grecques l'entrée de la Grande-Bretagne dans la zone euro? Alors que, dans la réalité, c'est surtout parce qu'il craint que l'électorat s'empare d'un référendum sur l'euro pour censurer l'ensemble de sa politique.
Mais ce n'est pas pour autant que Blair se prive d'invoquer, à l'instar de ses collègues du continent, les directives de cette même Europe qu'il vilipende si volontiers, pour justifier ses mauvais coups contre le monde du travail.
Ainsi, au nom d'une directive européenne qui recommande des mesures contre la discrimination en matière d'âge, le gouvernement Blair vient d'annoncer que désormais tous les travailleurs licenciés bénéficieraient des mêmes conditions d'indemnisation légales (pour ceux qui y ont droit, s'entend, car en Grande-Bretagne comme partout, on sait fabriquer une "faute lourde" pour justifier un licenciement "sec").
D'un trait de plume hypocrite, Blair met ainsi fin à une disposition qui garantissait aux licenciés de 41 ans et plus une indemnité équivalant à une semaine et demie de salaire pour chaque année travaillée à partir de 41 ans, au lieu d'une semaine par année travaillée pour les licenciés plus jeunes. Ce qui est d'autant plus révoltant que de très nombreuses entreprises cherchent précisément à se débarrasser de ces travailleurs-là, pour les remplacer par des jeunes sous contrat précaire qu'elles pourront payer moins cher. Or, pour un salarié de 60 ans, cela peut faire baisser le "coût" de son licenciement de 20%, ce qui n'est pas négligeable.
Sous couvert de lutte contre la discrimination par l'âge, Blair s'en prend donc cyniquement à ceux qu'il prétend protéger.
Cela n'a rien de nouveau, bien sûr. On se souvient, par exemple, comment les femmes salariées, et en particulier les ouvrières, firent les frais des mesures contre la discrimination sexuelle. En France, on supprima l'interdiction du travail de nuit pour les femmes, permettant par exemple au patronat de secteurs de main-d'oeuvre féminine, comme le textile, de faire tourner ses usines 24 heures sur 24, sans autre "nécessité" que celle d'augmenter ses profits et sans le moindre égard pour la santé des ouvrières. En Grande-Bretagne, ce fut Thatcher qui, sous le même prétexte hypocrite, fit repasser l'âge minimum de la retraite de 60 à 65 ans pour les femmes, pour les aligner sur les hommes. Mais, en Grande-Bretagne comme en France, les salaires des femmes travailleuses sont encore loin derrière ceux de leurs homologues hommes.
Pour niveler les conditions d'exploitation des travailleurs par le bas, en les alignant sur celles des plus exploités, tous les prétextes sont bons au patronat et à ses politiciens aux ordres -des directives européennes à la lutte contre les discriminations, en passant par celle contre de prétendues "injustices", comme le fait Raffarin avec ses manipulations sur le smic ou ses attaques contre le système des retraites. Mais ce n'est pas pour autant que les travailleurs sont dupes.