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- Lutte ouvrière n°1821
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Dans les entreprises
Nos lecteurs écrivent : Abbeville, une victoire moralepour les travailleurs
La Chanvrière a été pendant des décennies une usine importante à Abbeville, bastion du tissu économique local. En 1996, prétextant la crise du textile, la direction proposait une convention modifiant le contrat de travail: elle voulait supprimer 43 postes à temps plein et demandait aux travailleurs d'accepter la transformation de celui-ci, qui passait à 29 heures de travail effectif en moyenne par semaine, avec en prime 1 h 30 de formation fournie par l'entreprise, cadeau royal du patron!
Dix travailleurs qui refusaient cette convention et l'amputation des salaires qui allait avec furent licenciés. Pourtant, la suite des événements leur donna raison: à la fin de l'année 1996, les salariés de la Chanvrière ne faisaient toujours pas 29 heures, ils n'avaient jamais vu la couleur de la formation promise et la direction finissait même par revenir sur la convention qu'elle avait imposée. Par contre, elle ne revint pas sur les licenciements des dix travailleurs qui n'en avaient pas voulu!
Bien que cette convention n'ait jamais été appliquée, les dix ont été déboutés de leurs demandes devant le conseil des prud'hommes d'Abbeville en 1999. Il leur a fallu attendre mai 2003 pour que la cour d'appel d'Amiens reconnaisse enfin que leur licenciement était injustifié, puisque la réduction d'horaires proposée par la direction n'avait pas été effective.
En allant jusqu'au bout des procédures, les dix travailleurs ont le sentiment d'avoir remporté une victoire morale, même si, six ans et demi après leur licenciement, alors que la Chanvrière a entre-temps définitivement fermé ses portes, plusieurs parmi eux n'ont pas retrouvé d'emploi correct; et que les indemnités qu'ils recevront leur seront versées par la caisse alimentée par les Assedic et non prélevées sur les millions de subventions que la Chanvrière a reçus des pouvoirs publics, soi-disant pour maintenir les emplois.
L'histoire de la Chanvrière rappelle celle des centaines d'entreprises qui font vivre une partie de la population de villes entières, dont les patrons s'arrogent tous les droits: imposer leur loi et changer les règles en cours de route, licencier ceux qui osent protester, empocher les subventions publiques pour finir par mettre la clé sous la porte, le tout sans rendre de comptes à personne. De quoi inciter les travailleurs à se battre pour le contrôle des entreprises.